Est-ce que les régions ont une place au sein de l’Europe ?
Entre les citoyens et leurs élus, l’entente n’est plus cordiale, au point que le Cevipof (Sciences Po), le laboratoire de recherche en sciences politiques rattaché au CNRS a renommé en 2019 son « Baromètre de la confiance », le « Baromètre de la défiance », c’est dire. Depuis 10 ans, la confiance des citoyens en leurs élus est en chute libre. Seuls les maires s’en sortent bien et sont crédités d’un niveau moyen de 60 % quand il n’est que de 29 % pour les députés européens qui semblent difficilement susciter l’adhésion. La vaste enquête électorale en trois vagues, réalisée par Ipsos Sopra Steria pour Le Monde, la Fondation Jean-Jaurès et le Cevipof (Sciences Po) révèle que moins d’un Français sur 2 (42%) se déclare certain d’aller voter le 26 mai. Le principal reproche adressé à l’Union serait son éloignement de la réalité locale. Une critique à laquelle tente de répondre le CdR par son action.
Une institution européenne dédiée au local
Avant tout, petit récap de qui fait quoi. Il existe de nombreux organes européens, mais quatre sont particulièrement importants : - Le Conseil Européen – composé des chefs d’État ou de gouvernement des 28 pays membres. Ils se réunissent au moins quatre fois par an et fixent les grandes orientations de l’Union. Il n’a pas de pouvoir législatif. - La Commission Européenne – composée de 28 commissaires européens, choisis par les chefs d’États ou de gouvernements, ils sont validés par le Parlement européen. Son rôle est supranational puisqu’elle défend l’intérêt de l’Union Européenne. Elle dispose de l’initiative législative. - Le Conseil de l’Union Européenne – composé des ministres des États membres concernés par les questions à l’ordre du jour. Il représente les intérêts des États membres et partage avec le Parlement le pouvoir législatif, c’est-à-dire qu’en lien avec lui, il vote les lois proposées par la Commission et le budget annuel de l’UE. - Le Parlement européen – composé de 751 députés européens élus au suffrage universel direct par les 380 millions de votants. Il dispose d’un pouvoir législatif qu’il partage avec le Conseil de l’Union Européenne, c’est-à-dire qu’il vote les lois proposées par la Commission et vote le budget de l’Union Européenne. Il a le dernier mot en la matière. |
L’histoire du Comité des Régions remonte à 1992 et au Traité de Maastricht, acte fondateur de l’Union Européenne. « À cette époque, Jacques Delors et François Mitterrand souhaitent donner un rôle plus important aux régions et ainsi redonner du poids aux citoyens dans les processus de décision européens », explique Christophe Rouillon, membre du CdR, maire de Coulaines (Sarthe) et vice-président de l’Association des Maires de France en charge de l’Europe. Ainsi naît le CdR, organe consultatif en charge d’émettre des avis sur les projets législatifs européens qui concernent directement les échelons locaux et régionaux. Ses 350 membres sont désignés pour 5 ans par le Conseil de l’Europe parmi des élus titulaires d’un mandat électoral au sein d’une collectivité, notre maire par exemple. Une fois nommés, ils s’attachent à faire valoir les intérêts des échelons locaux au niveau européen.
C’est que les 276 régions d’Europe ont beaucoup à voir avec l’Union Européenne et inversement. La principale raison tient dans la Politique de Cohésion, LE principal budget de l’Union. Au total et tous les 7 ans, au moment où le budget européen est voté, ce sont près de 400 milliards d’euros qui sont alloués aux régions via les fonds structurels et d’investissement européens (FSIE). C’est près d’1/3 du budget total de l’Union ! Leur raison d’être ? Permettre, comme son nom l’indique, une meilleure cohésion entre des territoires très diversifiés. C’est qu’entre une région comme celle d’Hambourg en Allemagne et la Laponie en Finlande, il y a tout un monde : différence du nombre d’habitants, de superficie et surtout de PIB par habitant. Parmi les critères d’attribution des fameuses subventions, ce dernier est essentiel. L’idée étant de créer une homogénéité économique entre les différents pays de l’Union.
Qu’on se rassure, les régions françaises sont loin d’être oubliées par la Politique de Cohésion. L’Île-de-France s’est, par exemple, vu allouer 915 millions d’euros. Ces sommes permettent de soutenir les PME, la recherche, les politiques culturelles ou encore d’éducation des différentes régions. « Il est nécessaire de garder en tête que peu de projets, à l’échelle locale, pourraient être mis en œuvre sans les soutiens européens aujourd’hui », rappelle Christophe Rouillon. Entre réduction des impôts locaux et des subventions de l’État, les caisses sont (presque) vides. Le Comité des Régions estime que près de 70 % des décisions prises au niveau européen ont des implications directes sur le tissu local. Sans ces financements, la Cité des Civilisations du vin à Bordeaux, l’extension de la ligne A de tramway de l’agglomération Clermontoise ou la transformation d’une ancienne voie ferrée en chemin de randonnée en Picardie n’auraient jamais pu se faire.
« Il est nécessaire de garder en tête que peu de projets, à l’échelle locale, pourraient être mis en œuvre sans les soutiens européens aujourd’hui »
Le CdR, cet outil à l’usage des citoyens
Si le CdR fait le lien entre régions et Europe, il se veut aussi à l’écoute des citoyens de l’Union. « Si notre rôle c’est de défendre l’intérêt des collectivités locales dans les décisions politiques européennes, notre objectif est la communication avec les citoyens » précise Christophe Rouillon. On le sait peu, mais le CdR a été précurseur en matière de Grand Débat. Dès 2016, le Comité se lançait dans l’aventure à travers une vaste consultation en ligne et des rencontres-débats organisées dans 156 villes de l’Union. Au total ce sont 40 000 citoyens qui se sont prêtés au jeu et ont réfléchi ensemble à l’avenir de l’Europe. Il en est notamment ressorti que l’échelon local apparaissait comme le plus approprié pour associer les citoyens à la construction européenne ; les élus étant de bons pédagogues pour expliciter le rôle de l’Union sur leurs territoires.
L’échange a été fructueux au point que le Comité des Régions souhaite renouveler l’expérience comme le détaille Christophe Rouillon : « L’objectif est d’organiser plus de rencontres de ce type, de rendre le dialogue permanent avec chaque année la définition de 3 ou 4 thèmes qui pourraient servir de points d’appui lors de discussions sur la législation européenne ». Et à une époque où la demande de démocratie directe se fait de plus en plus pressante, on peut aisément imaginer que les citoyens seront toujours plus nombreux à répondre présent pour ce type d’exercice démocratique. Parce que, finalement, le meilleur moyen de faire bouger les choses, c’est peut-être de faire entendre sa voix.
Si on n’entend rien à l’Union Européenne et à son fonctionnement ?
- On ouvre grand ses oreilles et on se lance dans l’écoute d’une série podcast. Ce n’est pas tout à fait GoT, mais c’est aussi politique !
- On découvre tout ce que l’Europe fait pour nous.
En attendant l’organisation du prochain grand débat européen,
- On consulte les résultats de l’enquête réalisée entre 2016 et 2018
- On va poser toutes ses questions dans les Maisons de l’Europe ou les Centres d’Informations de l’Europe le plus proche de chez soi.
Envie de s’impliquer plus largement ?
- On commence par aller voter le 26 mai (parce que, oui, le 26 mai, ce n’est pas que la Fête des Mères)
- On s’engage en politique !