Les Civic Tech, la démocratie 2.0 ?

DÉMOCRATIE PARTICIPATIVE
Les Civic Tech, la démocratie 2.0 ? sur Qu'est-ce qu'on fait
Conséquence directe de la révolution numérique, la Civic Tech (abréviation de Civic Technology en anglais) séduit de plus en plus de publics au risque parfois d’en laisser certains sur le carreau. Demain, faudra-t-il être connecté pour voter ?

Dans le langage numérique, les Civic Tech regroupent l'usage des nouvelles technologies destinées à mobiliser les citoyens autour de questions sociétales telles que l’emploi, l’environnement ou la santé publique. Budget participatif, Grand débat national, référendum d’initiative citoyenne, pétitions en ligne : les exemples de technologie pour la démocratie et pour l’engagement civique ont fleuri ces dernières années à Angers, à Paris ou encore Grenoble. Selon un article dans Le Monde, en 2018, près de 90 villes et collectivités ont, elles aussi, emboîté le pas et branché leur wifi sur une démocratie participative et non plus seulement « représentative ». « Les Civic Tech fonctionnent sur l’idée que les représentants ne représenteraient pas bien et qu’il faudrait s’exprimer directement », analyse Alain Garrigou, professeur en science politique à l'Université de Paris Ouest - Nanterre La Défense. « Or, il y a surtout un immense paradoxe. Alors que le mode d’expression démocratique n’a jamais été autant en crise, sa remise en cause passe par une augmentation des votes. L’instrument par excellence de la démocratie directe : le numérique permet de voter tous les jours, sur tous les sujets et sans même se déplacer géographiquement. »

« Les Civic Tech fonctionnent sur l’idée que les représentants ne représenteraient pas bien et qu’il faudrait s’exprimer directement »

Si pour Alain Garrigou l’utilisation croissante des Civic Tech s’accompagne d’une aporie et à terme d’une confusion plus générale, elles sont au contraire un véritable outil technologique au service des démocraties pour Rudy Cambier, co-dirigeant du living lab Liberté. Grâce aux Civic Tech, le citoyen n’est plus seulement consulté à doses homéopathiques, il est invité à s’investir dans le processus décisionnel. Une réponse directe à la défiance de certaines catégories de personnes pour qui le suffrage universel reste abstrait et le passage derrière l’isoloir inutile. Ici, l’habitant est appelé à voter sur le budget de la ville. Là, à débattre sur l’avenir du centre-ville.

Alors que les Civic Tech prônent une démocratie horizontale, l’utilisation systématique du numérique n’exclut-il pas une frange de la population moins connectée ? En somme, les Civic Tech peuvent-elles survivre à la fracture numérique ? « Le vrai apport de la technologie, c’est l’impact à grande échelle. Le numérique permet avec des outils très simples de toucher des publics plus larges, explique Rudy Cambier. Mais il est encore très important de donner une matérialité physique à des séquences démocratiques. Lorsque l’on met en place des dispositifs de concertation numériques, on accepte le fait qu’un certain public puisse être exclu de la sphère digitale ou n’ait pas accès à ces outils. » Il n’est pas seulement question de mettre à disposition des plateformes disponibles 24H/24 mais d’inviter les outils jusqu’aux plus réticents, de rendre la démarche inclusive. « Sur des enjeux d’urbanisme ou de redynamisation de centre-ville urbain, par exemple, nous nous rendons dans les centres névralgiques tels que les gares ou les esplanades. Sur place, on incite les personnes qui spontanément n’auraient pas été ciblées ou ne seraient pas allées directement sur la plateforme à prendre connaissance et s’approprier l’outil », poursuit le co-directeur de Liberté. 

« Lorsque l’on met en place des dispositifs de concertation numériques, on accepte le fait qu’un certain public puisse être exclu de la sphère digitale ou n’ait pas accès à ces outils. »

Pour les férus d’innovation technologique et civique, le succès de la Civic Tech réside nécessairement dans une double tension entre le numérique et l’humain. Réconcilier ceux qui n’ont plus confiance aux suffrages classiques, ceux qui se méfient de la transparence des outils numériques ou encore ceux qui restent dubitatifs quant à la concrétisation de ces concertations pour (re)faire société ensemble sur de grands enjeux sociétaux. « Nos sociétés sont pétries d’incertitudes, sur le plan des institutions ou encore sur les modes de concertations démocratiques. Aujourd’hui notre crainte, en tant qu’acteur de la sphère Civic Tech, c’est de se dire qu’avec une forme de solutionnisme technologique ou une approche trop légère de ces sujets démocratiques, on ne réussisse pas, ni à mesurer collectivement l’importance de la séquence que l’on traverse, ni à mettre en place de vrais beaux outils transparents avec une dimension inclusive. »

C’est pourtant le souhait de toutes les structures se réclamant de la Civic Tech : reconnecter les élus et les citoyens, gommer les frontières géographiques, redonner confiance dans la vie publique, pour enfin « ré-oxygéner nos démocraties ».  

  • On écoute le podcast TMTP de Voxe.org qui met en scène des jeunes engagés en politique et plus particulièrement l’épisode sur Charlotte Nørlund-Matthiessen à l’initiative de la plateforme ClicknSign. 
  • On s’informe sur le travail de nos élus parlementaires et on s’implique dans les débats sous-jacents grâce aux projets de Regards Citoyens. L’association favorise l'ouverture des données publiques et la transparence des institutions démocratiques à travers deux plateformes dédiées à nos députés et nos sénateurs.
  • On (re)lit Le vote et la vertu d’Alain Garrigou (Éditions Presses de Sciences Po) pour comprendre ce qui se joue derrière le vote et notamment les méthodes électorales.
  • On interpelle et questionne ses élus grâce à la plateforme qui met en relation maires, députés et présidents de conseils avec leurs administrés.
Elsa Pereira
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