"Réfugiés climatiques" : Derrière une expression vide de sens, des hommes.
Un néologisme pour alarme
Un "réfugié climatique" n’existe pas juridiquement, mais l’utilisation de ce terme assure une couverture médiatique pourtant signifiante. S’il est employé, c’est d’abord de manière symbolique, comme un cri d’alarme pour interpeller les cercles onusiens et les juridictions internationales. "D’un point de vue juridique, c’est un concept qui n’a pas de sens, puisque la Convention de Genève n’a pas de motif environnemental. En revanche, je suis assez sensible aux arguments de politistes, comme ceux de François Gemenne qui conçoit que ces personnes en déplacement, ou amenées à se déplacer, à la recherche d’un endroit où fuir en franchissant une frontière, appellent à une compassion et à une protection internationale." explique Christel Cournil, enseignante et chercheuse en droit et en migrations environnementales.
Un "réfugié" est effectivement un statut spécifique décrit dans la Convention de Genève de 1951, un texte de droit international écrit au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale pour accueillir les populations persécutées dans leur pays d’origine. Les causes de déplacements inscrites sont durement motivées par des raisons de survie face à la guerre, la persécution ethnique et/ou religieuse... des motifs desquels est absent le facteur "climatique". Pourtant, aujourd’hui, le changement climatique est une source de pression, que ce soit de manière ponctuelle (comme dans le cas d’un tsunami) ou lente (une avancée du désert). Alors qu’est-ce qu’on attend pour trouver un nom à tous ces gens pour leur venir en aide ?
Une controverse complexe
La communauté scientifique d’experts sur les phénomènes migratoires, le droit à l’environnement, le droit international, les droits de l’homme, parmi d’autres disciplines, ne s’accordent pas sur la dénomination de ceux amenés à se déplacer suite à la dégradation de leur environnement. Encore faut-il d’ailleurs être au diapason sur ce qu’englobe ces dites "dégradations de l’environnement" : parle-t-on de tous les phénomènes naturels catastrophiques, ou seulement ceux d’origine anthropiques ?
La multicausalité des dégradations environnementales rend le problème plus complexe. Par ailleurs, le départ de ces populations peut être temporaire ou permanent, au sein de leur propre pays ou au-delà des frontières. Qu’est-ce qui fait leur particularité alors ? La question est particulièrement épineuse. D’autant plus que de leur nom va dépendre leur chiffre, les moyens d’action engagés et, surtout, qui va les mettre en place. Trop d’intérêts sont en jeu pour que le consensus s’installe.
On suit les éclairages de Christel Cournil
- On réclame une justice climatique
"Aujourd’hui pour les victimes du climat, il n’y a pas 10 000 solutions. Des habitants des îles Tuvalu ou Kiribati ont saisi la justice en Nouvelle Zélande et ont essuyé des échecs en essayant de faire appliquer la Convention de Genève, ce qui leur a été refusé, à juste titre." explique Christel Cournil. Toutefois, celle-ci pointe aussi l’existence des contentieux climatiques (son domaine d’expertise) : ce sont des associations, des ONG ou des citoyens qui traînent un état ou une entreprise en justice afin de leur demander des comptes sur leurs résultats environnementaux - notamment sur leurs émissions de gaz à effet de serre - mais aussi pour leur demander de revoir leur ambition environnementale à la hausse. C’est le cas du contentieux Urgenda, une initiative citoyenne pour influencer les politiques environnementales aux Pays Bas. L’association Notre Affaire à Tous serait en train de préparer le sien contre l’État français.
- On soutient les ONG
Les ONG ont réussi à porter des problématiques comme celles des réfugiés climatiques jusqu’au COP, où elles bénéficient par ailleurs d’un poste d’interlocuteur non négligeable dans ces espaces de négociations assez opaques pour la société civile.
- On suit l’unité spéciale de l’OIM
Cette unité crée avec les Accords de Paris sur les "mobilités climatiques" a pour objectifs de faire remonter les bonnes pratiques et les bonnes idées lors de la COP24. Cela, afin que des fonds soient pourvus et des outils politiques soient mis en place au niveau international.
On en apprend davantage sur les « réfugiés climatiques »
- On plonge dans la controverse
Avec ce site, issu de l’étude d’étudiants en cartographie des controverses à Sciences Po Paris.
- On aide
Parce que cette bataille langagière est d’abord une affaire d’érudits, on peut se débarrasser des mots et venir en aide à chaque personne déplacée, migrante, pour quelconque raison en lisant notre infographie.