Des semences commerciales développées par
des semenciers dont la vente est réglementée.
La création
du marché semencier :
Durant plusieurs milliers d'années, les paysans
sélectionnaient eux-mêmes leurs semences.
Parmi leurs plantes de l'année, ils récoltaient
les graines des plants les plus beaux, bons
et robustes, puis ils les replantaient pour
obtenir de nouveaux plants et ainsi de suite.
On appelait ça la sélection massale.
À la fin du XIX
ème
siècle, début XX
ème
siècle, les connaissances génétiques
ont évolué et partout dans le monde,
on a cherché à créer des variétés avec
les meilleures qualités possibles pour
assurer de bons rendements.
Progressivement, les paysans
et paysannes vont se couper d'une
partie de leur activité et sous-traiter
la sélection des variétés de semences
à des semenciers professionnels.
Le métier de sélectionneur :
Aujourd'hui, le travail d'amélioration des variétés est
confié aux sélectionneurs. Il consiste à créer de nouvelles
variétés à partir des variétés existantes en croisant entre
elles des plantes choisies pour leurs qualités respectives.
Si les essais sont réalisés en plein champ, ces méthodes
classiques de sélection sont désormais complétées par
les biotechnologies qui permettent de gagner du temps
et d'être encore plus précis.
Distincte
de celles déjà
existantes
Homogène
donc pure,
chaque individu
se ressemblant
Stable
c’est à dire
se reproduire
à l’identique
L'émergence des graines
certifiées et l'interdiction
des graines dites paysannes
En 1932, le comité de contrôle des semences* crée
le Catalogue Officiel Français des Espèces et Variétés.
Pour être homologuée et entrer dans le catalogue,
une variété doit être :
La diffusion mondiale
d'espèces hybrides F1
Au fil du temps, les techniques de croisement
se perfectionnent et à partir des années 1950
de nouvelles espèces dites "hybrides F1"
se diffusent dans le secteur agricole.
Puis, le décret du 11 juin 1949
marque la fin de la vente libre de semences :
Toute variété non inscrite au catalogue est interdite
à la vente. Les agriculteurs doivent désormais
obligatoirement passer par les semenciers agréés
et contrôlés pour se fournir en semences.
Ils peuvent utiliser des semences non-inscrites
tant qu'elles ne sortent pas de la ferme.
Mais la vente des semences paysannes devient illégale.
Ce modèle se diffusera ensuite dans les années 1960
à l'échelle de l'Union Européenne avec la création
du marché unique.
Variétés
déjà dans
le catalogue
Même résultat
quelle que soit
la graine
Nouvelle
variété
Pieds et légumes/fruits
de la même taille
D'un côté,
cette certification permet d'assurer un certain
niveau de rendement et d'homogénéité
des récoltes à l'agriculteur
qui achète ces semences.
De l'autre,
ces critères stricts excluent de fait les
semences paysannes que l'agriculteur pourrait
produire lui-même à la ferme parce qu'elles
sont considérées trop hétérogènes
et trop peu productives.
La variété F1
Les variétés F1
sont le fruit d'un croisement de deux variétés dont on cherche
à combiner les qualités (goût, forme, couleur, rendement, résistance aux maladies).
Variété A
Gros fruit - vert
Variété F1
Gros fruit - rouge
Variété B
Petit fruit - rouge
Fécondation
en laboratoire
Elles sont très homogènes
et assurent des rendements stables.
Elles remplissent donc les critères
pour être homologuées
dans le catalogue.
Elles représentent
60%
des variétés inscrites.
Elles sont "verrouillées" :
les semences hybrides F1 ne peuvent
être plantées qu'une fois.
Les graines récoltées à partir de ces
plantes ne donneront pas les mêmes
rendements et caractéristiques
l'année suivante. Les agriculteurs
sont donc contraints de racheter
leurs semences chaque année !
Ils deviennent dépendants
des prix et variétés
proposés par les industriels.
Comme elles se conservent plus
longtemps et résistent mieux
au transport, elles sont mieux
adaptées aux besoins
de l'industrie agro-alimentaire.
De génération en génération,
les variétés F1 sont de plus
en plus vigoureuses :
on appelle cela l'effet hétérosis.
Avantages :
Inconvénients :
Elles sont rigoureusement
contrôlées sur le plan sanitaire
pour assurer l'absence de bactéries
et de champignons.
Elles peuvent parfois résister
à un ou plusieurs bioagresseurs
(maladies, ravageurs).
Elles sont accros à la chimie :
l'hypersensibilité des hybrides
rend indispensable l’utilisation
de produits chimiques.
Les géants semenciers
qui les produisent fabriquent
également les engrais et pesticides
associés, créant une dépendance
accrue des agriculteurs.
Tandis que les rendements augmentent,
l'autonomie des agriculteurs et agricultrices décroît.
Ils dépendent désormais des entreprises semencières
pour s'approvisionner en semences et produits chimiques.
Le point sur les OGM
Dans les années 1990, le génie génétique et les biotechnologies
font leur apparition dans le monde agricole. On sait désormais
modifier le patrimoine génétique d'une plante
pour lui conférer telle ou telle qualité.
La technique qui consiste à transférer
un ou plusieurs gènes d'intérêt
d'une espèce à une autre est appelée
transgénèse
. Les espèces issues
de cette technique sont dites
OGM
pour Organisme Génétiquement Modifié.
La principale qualité recherchée
est la résistance aux insectes :
Soit la plante
est programmée
pour résister
aux insecticides
Soit la plante peut
produire son propre
insecticide
Voire les deux
à la fois
Hybride :
on croise deux variétés d'une même espèce
pour en tirer les meilleures qualités respectives.
OGM (Organisme Génétiquement Modifié) :
on insère directement dans le patrimoine génétique
de la plante les gènes jugés intéressants.
OGM
vs
HYBRIDE
:
quelle différence ?
Des progrès
et des questions :
Si ces nouvelles variétés sont pensées
pour résoudre les problèmes inhérents
à l'agriculture intensive (résistance aux
ravageurs et à des climats plus extrêmes),
elles soulèvent d'autres questions :
L'évolution génétique
sur le long terme ?
Dans la nature,
la contamination sur
plusieurs générations des
plantes non OGM par des
plantes génétiquement
modifiées pourrait avoir des
conséquences que l'on
ne connaît pas à ce jour.
La résistance
dans le temps ?
Certains insectes pourraient
disparaître au contact
des plantes pesticides.
D'autres bioagresseurs
pourraient s'adapter
et résister aux molécules
et produits chimiques.
Cela peut entraîner
l'augmentation de l'usage
des pesticides donc
la pollution des sols
et des nappes phréatiques.
Les impacts sur la santé
et l'environnement ?
À ce jour, aucune étude n’a
démontré d'effet des OGM sur
la santé ou l’environnement,
mais ils font l'objet
de défiance de la part
du grand public en Europe.
Au sein de l'Union Européenne,
seule la culture de certaines variétés
de maïs transgénique est autorisée.
Les pays membres ayant chacun
le droit d'interdire ou d'autoriser
la culture d'OGM sur leur territoire,
aucune variété transgénique n'est
autorisée sur le sol français.
Ils sont néanmoins autorisés
à l'importation sous forme d'aliments
pour le bétail. Mais il n'y a aucune
obligation d'étiquetage des aliments
contenant des produits issus des
animaux ayant consommé des OGM.
Autorisés depuis 1996 aux États-Unis
ils couvrent aujourd’hui
90%
des surfaces cultivées :
94%
90%
88%
sont génétiquement modifiés.
du soja
du coton
du maïs
?
?
?
Dans l'épisode précédent : nous avons vu comment la sélection de plus
en plus sophistiquée des semences a favorisé l'émergence d'un modèle
agricole moderne à travers une bonne partie de la planète.
Si les rendements sont au rendez-vous, la diversité végétale, elle,
se réduit comme peau de chagrin. Inquiète, la FAO* alerte sur les risques
que fait peser ce modèle sur notre résilience alimentaire. Une des raisons
de ce bouleversement tient à la structuration du marché des semences.
Celui-ci s'est progressivement professionnalisé et concentré.
Cette situation monopolistique interroge
sur l'autonomie des agriculteurs, la sécurité alimentaire
des populations, la protection de la biodiversité
et l'appropriation du vivant.
Les graines
de la discorde
Aujourd'hui,
plus de la moitié
des semences vendues
dans le monde appartiennent à
3
multinationales
Sélectionneur
La sélection massale :
Année 1
Année 2
*Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture
Comment en
est-on arrivé là ?
Retour en arrière !
Une sélection naturelle
s'est opérée dans le temps
"façon Darwin" :
Face aux conditions naturelles (climat, nature du sol,
agresseurs naturels) certaines plantes ont mieux résisté
que d'autres et leurs graines se sont retrouvées dans
les semis suivants.
Les nouveaux OGM
Dans les années 2000, l'évolution des connaissances
en matière de biotechnologie a favorisé
le développement d'autres techniques que la transgénèse
pour modifier le patrimoine génétique des plantes.
Ces nouvelles techniques sont regroupées sous le nom
de New Breeding Technics ou NBT. Elles sont si précises
qu'il est presque impossible de détecter l'intervention humaine.
Une de ces techniques appelée CRISPR-Cas9 fonctionne
à la manière d'un ciseau capable de localiser
et de sélectionner une séquence génétique
afin de la supprimer ou de la modifier.
Là encore, ces nouvelles techniques posent question :
Si elles pourraient permettre de créer des plantes
plus adaptées au réchauffement climatique
et ses conséquences (résistance à la sécheresse,
aux maladies, réduction des pesticides), certains
scientifiques soulignent le manque de recul
face à l'évolution de ces plantes dans le futur.
NEW !
Les droits de la propriété
intellectuelle
À la sortie de la Seconde Guerre mondiale,
il faut augmenter les rendements et réduire
les importations. Les technologies
et les semences sont idéalisées et considérées
comme la meilleure solution pour atteindre
cet objectif. Seulement, le travail de recherche
des entreprises pour développer de nouvelles
variétés hybrides coûte cher et doit être
rentabilisé. C'est ainsi que seront mis en place
des outils de propriété intellectuelle.
Peu à peu, ces outils favorisent
l'émergence d'un marché
des semences qui n'a depuis cessé
de prendre de la valeur.
Aujourd'hui, il représente entre
45 et
50
milliards
de dollars, grandes cultures
et potagères confondues.
Mais les systèmes de brevets
posent question :
n'entraînent-ils
pas une appropriation du vivant
au profit d'entreprises ?
Deux outils de propriété
intellectuelle :
Les dérives du brevet ?
Les limites de la
propriété intellectuelle :
Les brevets renforcent les monopoles
!
1945
Aujourd’hui
Alors que le système des brevets est censé stimuler la recherche
et la création de tous, il alimente au contraire un effet de concentration
du secteur semencier à la manière d’un cercle vicieux.
Au bout d'un moment, certains acteurs sont
si gros qu'ils peuvent racheter leurs concurrents.
C'est ce qu'il s'est passé en 2016 lorsque
le géant allemand Bayer a racheté l'autre
géant américain Monsanto, firme à l'origine
de la commercialisation d'un herbicide
célèbre, le Roundup.
Aujourd'hui,
59%
du marché des graines
est détenu par
3
entreprises
semencières.
Lorsqu'une entreprise atteint
une masse critique en termes
de chiffre d'affaires
ou de brevets…
…elle peut davantage investir
dans la recherche…
...donc obtenir plus de brevets,
avoir un avantage concurrentiel
et ainsi de suite...
En Europe, les variétés végétales ne sont pas brevetables.
C'est le certificat d'obtention végétale (COV) qui, depuis 1961,
tient lieu de droit de propriété intellectuelle en agriculture.
Le COV octroie à l'entreprise qui a sélectionné la nouvelle
variété, le monopole sur la vente des semences
pour une durée de 20 à 30 ans.
Contrairement au brevet, il laisse les ressources génétiques
en libre accès aux autres semenciers
pour créer de nouvelles variétés.
Au titre du privilège de l'agriculteur, ce dernier peut ressemer
une semence protégée par le COV pour ses propres besoins.
Mais il ne peut commercialiser la récolte sans verser
de contribution volontaire obligatoire en contrepartie.
Au final, ces variétés protégées par COV correspondent
à 99 % des plantes cultivées en France.
Le Certificat d’Obtention Végétale
ou COV en Europe
Le brevet permet d'appliquer un titre de propriété
à une invention (qui suppose l'intervention humaine
et non une simple découverte).
Contrairement au COV européen, le brevet s'applique
à une partie de la plante voire à une information génétique
contenue dans la plante. Il peut aussi s'appliquer aux
méthodes de sélection en tant que telles, comme la
transgénèse par exemple qui permet de créer les plantes OGM.
Le brevet donne à son titulaire un monopole sur les semences
et plantes concernées durant 20 ans.
Il interdit à quiconque d'utiliser la variété protégée
à titre expérimental ou pour la recherche, mais aussi,
et surtout, pour faire des semences de ferme.
Le système du brevet oblige donc les agriculteurs
à racheter chaque année leurs graines aux semenciers.
Le brevet,
surtout aux États-Unis