C'est quoi
un bien commun ?
Un bien commun est une chose inappropriable
par essence (comme l’air) et qui, cependant,
peut être dégradée par la consommation
de chacun. Il doit donc être géré en commun
suivant des règles établies collectivement.
En quoi ça concerne les graines ?
À plusieurs égards, les graines peuvent être considérées
comme un bien commun de l'humanité :
Comme tout
être vivant,
elles appartiennent
à tous et à personne.
La biodiversité
cultivée est un bien
commun inaliénable :
elle est l'héritage
des communautés
paysannes qui l’ont
sélectionnée et
renouvelée pendant
des millénaires
jusqu'à nos jours.
étant le socle
de notre sécurité
alimentaire à travers
le monde, les
semences devraient
obéir à des règles
communes de
gestion, d'échange
et de protection.
Aujourd'hui, cette vision des communs
ne s'applique pas vraiment aux graines :
Ériger les semences en bien commun impliquerait donc de repenser
leurs formes de commercialisation actuelles et de remettre en question
les droits de propriété qui les encadrent.
Plusieurs initiatives vont dans ce sens, on en parle tout de suite !
alors que les semences et leur patrimoine génétique
sont exploités à des fins marchandes, les paysans
qui ont contribué à leur amélioration ne reçoivent
pas de contre-partie.
elles ne sont pas accessibles à tous puisque
des droits de propriété intellectuelle s'appliquent
sur certaines semences.
C'est l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation (FAO) qui fait émerger
cette idée en 1983 en déclarant que
« les ressources phytogénétiques
sont un patrimoine commun de l’humanité, et doivent être préservées
et librement accessibles pour être utilisées dans l’intérêt
des générations présentes et futures ».
Considérer les semences
comme des biens communs
Les petits exploitants
agricoles familiaux assurent
1/3
environ de la production
alimentaire mondiale
Une idée qui germe :
le partage
Partager les semences et leurs
avantages à l'échelle mondiale :
Les semences sont la base biologique de la sécurité alimentaire
et, directement ou indirectement, elles assurent la subsistance
de chaque habitant de la planète.
À ce titre, leur protection et leur gestion commune fait l'objet
d'un traité international :
L'objectif :
ce traité adopté en 2004 par 147 États
membres (la Russie et la Chine ne sont pas
signataires) a pour but la préservation,
la gestion commune et le partage
des ressources phytogénétiques
(des semences donc) à l'échelle mondiale.
Ce traité intègre notamment la création
d'un fond de partage des semences
et de leurs avantages.
Le fond fournit un accès gratuit à près de
2 millions
de ressources génétiques
à la fois aux acteurs publics et privés.
Par ailleurs, les semences paysannes reflètent
le patrimoine et la diversité des territoires.
Elles sont aussi reconnues pour
leur adaptation aux terroirs et leur résilience
face au changement climatique.
Une bonne partie de la planète
se nourrit encore grâce à l'agriculture vivrière.
Les semences dites paysannes (c’est-à-dire
les semences non commerciales, sélectionnées
directement à la ferme par les paysans)
occupent une place centrale
dans ce modèle agricole.
Et si une entreprise utilise ces ressources
pour élaborer un produit qu'elle protège
ensuite par un brevet, elle doit reverser
1,1 % de ses ventes au Fond de partage
des bénéfices.
Les signataires du Traité et toute partie
(État ou personne privée) qui mettent
leurs propres ressources à la disposition
du système multilatéral ont librement
accès à l’ensemble des ressources
qui y ont été cédées par les autres parties.
La reconnaissance du secteur
informel et du partage de graines :
Le Traité international
sur les ressources
phytogénétiques pour
l'alimentation et
l'agriculture
soit le TIRPAA, ou le "Traité
des semences de la FAO*"
*Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture.
soutenir l'agriculture paysanne des pays en développement
financer la recherche pour des semences adaptées
aux besoins locaux et au changement climatique
préserver les connaissances traditionnelles
et favoriser l’échange de variétés
L'objectif de ce fond est de :
Dans les épisodes précédents : on l'a vu, les petites graines (ou semences)
sont au cœur de grands enjeux économiques, écologiques, et de société.
À travers le temps et les régions du monde, la sélection et les modes
d'échange ou de commercialisation des graines ont emprunté
des chemins différents pour répondre aux besoins et modes de vie locaux.
Quel futur
pour les graines ?
Comment garantir la sécurité alimentaire
de l’ensemble de la population
mondiale d'une part…
…et protéger l’environnement
et la biodiversité d'autre part ?
Entre ces deux modèles, quel équilibre trouver
pour assurer la meilleure gestion possible
des semences dans le futur ?
Protéger les semences à l'échelle mondiale, favoriser le partage,
repenser les pratiques agricoles, préserver les graines pour le futur
sont autant de pistes de réflexion et d'action au niveau global.
Mais il est aussi possible d'agir à notre échelle !
On vous explique tout !
Point récap’
Aujourd'hui, si l'on devait résumer, deux modèles coexistent dans le monde.
Ils répondent à des besoins locaux différents et présentent
chacun des avantages et des inconvénients.
Le modèle "formel" :
Dans les pays occidentaux
où l'agriculture intensive domine,
les graines sont majoritairement fournies
par les entreprises semencières.
Elles sont certifiées et leur vente
est encadrée par la loi.
Elles sont protégées par des droits
de propriété intellectuelle
qui assurent leur rentabilité.
D'un côté, elles sont performantes
et répondent aux besoins de rendements
qui ont émergé après la Seconde Guerre
mondiale avec l'accroissement
de la population.
D'un autre, elles entraînent une perte
de biodiversité, elles sont gourmandes
en produits chimiques et réduisent
l'autonomie des agriculteurs.
Le modèle "informel" :
Dans les pays où l'agriculture vivrière
reste importante, les graines sont aussi
produites localement à la ferme.
Les agriculteurs produisent, diffusent
et se procurent les semences eux-mêmes
au niveau local : directement à partir
de leur propre récolte, dans le cadre
d’échanges entre amis, voisins et parents,
ainsi que sur les marchés ou auprès
des négociants locaux.
D'un côté, elles représentent
un patrimoine biologique précieux,
elles contribuent à la préservation
de la biodiversité, elles sont adaptées
aux spécificités des terroirs.
D'un autre, elles sont moins productives,
les fruits, légumes et céréales sont moins
homogènes et stables. Cela maintient
les paysans dans la précarité et ne couvre
pas tous les besoins alimentaires locaux.
Aujourd'hui, l'avenir des semences est pris en étau entre deux modèles,
l'un tourné vers la productivité, l'autre plus lent, et deux enjeux clefs :
Et si les graines appartenaient à tout le monde
et étaient accessibles à tous ?
C'est l'idée défendue par l'association
allemande Agrecol et son initiative Open-Source
seeds ou Semences libres de droit.
Inspiré d'un modèle issu du web - le système
d'open-source - l'association propose, en accès libre,
des variétés de tomates, de blés, de pommes de terre,
de maïs et de piment.
L'objectif :
encourager les agriculteurs et artisans semenciers
à développer des variétés nouvelles adaptées
à leurs besoins et capables de résister
aux futurs changements climatiques.
Pourtant, en fonction des pays,
la vente et l'échange des semences paysannes
est plus ou moins strictement encadré et reconnu.
Zoom sur un pays qu'on connaît bien :
S'inspirer
des modèles open-source
En savoir plus
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En France :
Si vous avez suivi les épisodes précédents, vous avez
appris qu'en Europe, seules les semences homologuées
et inscrites dans le catalogue national sont
commercialisables. Cela exclut de fait les semences
dites paysannes. Produites par les agriculteurs
à la ferme ou par les jardiniers amateurs, les semences
paysannes ne sont pas stables et homogènes donc
automatiquement exclues du catalogue officiel.
La vente ou l’échange des semences
paysannes à des fins commerciales
est donc INTERDITE et passible
de sanctions juridiques.
Mais depuis 2020, les choses bougent !
Après de multiples rebondissements
juridiques, et des années de lutte
de la part d'acteurs associatifs
(Réseau semences paysannes, Kokopelli,
etc.), la loi du 11 juin 2020 vient assouplir
le cadre juridique encadrant la vente de
semences paysannes.
Désormais, la vente est autorisée…
aux jardiniers amateurs exclusivement,
mais autorisée quand même !