C'est quoi
un bien commun ?
Un bien commun est une chose inappropriable
par essence (comme l’air) et qui, cependant,
peut être dégradée par la consommation
de chacun. Il doit donc être géré en commun
suivant des règles établies collectivement.
En quoi ça concerne les graines ?
À plusieurs égards, les graines peuvent être considérées
comme un bien commun de l'humanité :
Comme tout
être vivant,
elles appartiennent
à tous et à personne.
La biodiversité
cultivée est un bien
commun inaliénable :
elle est l'héritage
des communautés
paysannes qui l’ont
sélectionnée et
renouvelée pendant
des millénaires
jusqu'à nos jours.
étant le socle
de notre sécurité
alimentaire à travers
le monde, les
semences devraient
obéir à des règles
communes de
gestion, d'échange
et de protection.
Aujourd'hui, cette vision des communs
ne s'applique pas vraiment aux graines :
Ériger les semences en bien commun impliquerait donc de repenser
leurs formes de commercialisation actuelles et de remettre en question
les droits de propriété qui les encadrent.
Plusieurs initiatives vont dans ce sens, on en parle tout de suite !
alors que les semences et leur patrimoine génétique
sont exploités à des fins marchandes, les paysans
qui ont contribué à leur amélioration ne reçoivent
pas de contre-partie.
elles ne sont pas accessibles à tous puisque
des droits de propriété intellectuelle s'appliquent
sur certaines semences.
C'est l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation (FAO) qui fait émerger
cette idée en 1983 en déclarant que
« les ressources phytogénétiques
sont un patrimoine commun de l’humanité, et doivent être préservées
et librement accessibles pour être utilisées dans l’intérêt
des générations présentes et futures ».
Considérer les semences
comme des biens communs
Les petits exploitants
agricoles familiaux assurent
1/3
environ de la production
alimentaire mondiale
Une idée qui germe :
le partage
Partager les semences et leurs
avantages à l'échelle mondiale :
Les semences sont la base biologique de la sécurité alimentaire
et, directement ou indirectement, elles assurent la subsistance
de chaque habitant de la planète.
À ce titre, leur protection et leur gestion commune fait l'objet
d'un traité international :
L'objectif :
ce traité adopté en 2004 par 147 États
membres (la Russie et la Chine ne sont pas
signataires) a pour but la préservation,
la gestion commune et le partage
des ressources phytogénétiques
(des semences donc) à l'échelle mondiale.
Ce traité intègre notamment la création
d'un fond de partage des semences
et de leurs avantages.
Le fond fournit un accès gratuit à près de
2 millions
de ressources génétiques
à la fois aux acteurs publics et privés.
Par ailleurs, les semences paysannes reflètent
le patrimoine et la diversité des territoires.
Elles sont aussi reconnues pour
leur adaptation aux terroirs et leur résilience
face au changement climatique.
Une bonne partie de la planète
se nourrit encore grâce à l'agriculture vivrière.
Les semences dites paysannes (c’est-à-dire
les semences non commerciales, sélectionnées
directement à la ferme par les paysans)
occupent une place centrale
dans ce modèle agricole.
Et si une entreprise utilise ces ressources
pour élaborer un produit qu'elle protège
ensuite par un brevet, elle doit reverser
1,1 % de ses ventes au Fond de partage
des bénéfices.
Les signataires du Traité et toute partie
(État ou personne privée) qui mettent
leurs propres ressources à la disposition
du système multilatéral ont librement
accès à l’ensemble des ressources
qui y ont été cédées par les autres parties.
La reconnaissance du secteur
informel et du partage de graines :
Le Traité international
sur les ressources
phytogénétiques pour
l'alimentation et
l'agriculture
soit le TIRPAA, ou le "Traité
des semences de la FAO*"
*Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture.
soutenir l'agriculture paysanne des pays en développement
financer la recherche pour des semences adaptées
aux besoins locaux et au changement climatique
préserver les connaissances traditionnelles
et favoriser l’échange de variétés
L'objectif de ce fond est de :
Dans les épisodes précédents : on l'a vu, les petites graines (ou semences)
sont au cœur de grands enjeux économiques, écologiques, et de société.
À travers le temps et les régions du monde, la sélection et les modes
d'échange ou de commercialisation des graines ont emprunté
des chemins différents pour répondre aux besoins et modes de vie locaux.
Quel futur
pour les graines ?
Comment garantir la sécurité alimentaire
de l’ensemble de la population
mondiale d'une part…
…et protéger l’environnement
et la biodiversité d'autre part ?
Entre ces deux modèles, quel équilibre trouver
pour assurer la meilleure gestion possible
des semences dans le futur ?
Protéger les semences à l'échelle mondiale, favoriser le partage,
repenser les pratiques agricoles, préserver les graines pour le futur
sont autant de pistes de réflexion et d'action au niveau global.
Mais il est aussi possible d'agir à notre échelle !
On vous explique tout !
Point récap’
Aujourd'hui, si l'on devait résumer, deux modèles coexistent dans le monde.
Ils répondent à des besoins locaux différents et présentent
chacun des avantages et des inconvénients.
Le modèle "formel" :
Dans les pays occidentaux
où l'agriculture intensive domine,
les graines sont majoritairement fournies
par les entreprises semencières.
Elles sont certifiées et leur vente
est encadrée par la loi.
Elles sont protégées par des droits
de propriété intellectuelle
qui assurent leur rentabilité.
D'un côté, elles sont performantes
et répondent aux besoins de rendements
qui ont émergé après la Seconde Guerre
mondiale avec l'accroissement
de la population.
D'un autre, elles entraînent une perte
de biodiversité, elles sont gourmandes
en produits chimiques et réduisent
l'autonomie des agriculteurs.
Le modèle "informel" :
Dans les pays où l'agriculture vivrière
reste importante, les graines sont aussi
produites localement à la ferme.
Les agriculteurs produisent, diffusent
et se procurent les semences eux-mêmes
au niveau local : directement à partir
de leur propre récolte, dans le cadre
d’échanges entre amis, voisins et parents,
ainsi que sur les marchés ou auprès
des négociants locaux.
D'un côté, elles représentent
un patrimoine biologique précieux,
elles contribuent à la préservation
de la biodiversité, elles sont adaptées
aux spécificités des terroirs.
D'un autre, elles sont moins productives,
les fruits, légumes et céréales sont moins
homogènes et stables. Cela maintient
les paysans dans la précarité et ne couvre
pas tous les besoins alimentaires locaux.
Aujourd'hui, l'avenir des semences est pris en étau entre deux modèles,
l'un tourné vers la productivité, l'autre plus lent, et deux enjeux clefs :
Et si les graines appartenaient à tout le monde
et étaient accessibles à tous ?
C'est l'idée défendue par l'association
allemande Agrecol et son initiative Open-Source
seeds ou Semences libres de droit.
Inspiré d'un modèle issu du web - le système
d'open-source - l'association propose, en accès libre,
des variétés de tomates, de blés, de pommes de terre,
de maïs et de piment.
L'objectif :
encourager les agriculteurs et artisans semenciers
à développer des variétés nouvelles adaptées
à leurs besoins et capables de résister
aux futurs changements climatiques.
Pourtant, en fonction des pays,
la vente et l'échange des semences paysannes
est plus ou moins strictement encadré et reconnu.
Zoom sur un pays qu'on connaît bien :
S'inspirer
des modèles open-source
En savoir plus
En savoir plus
En France :
Si vous avez suivi les épisodes précédents, vous avez
appris qu'en Europe, seules les semences homologuées
et inscrites dans le catalogue national sont
commercialisables. Cela exclut de fait les semences
dites paysannes. Produites par les agriculteurs
à la ferme ou par les jardiniers amateurs, les semences
paysannes ne sont pas stables et homogènes donc
automatiquement exclues du catalogue officiel.
La vente ou l’échange des semences
paysannes à des fins commerciales
est donc INTERDITE et passible
de sanctions juridiques.
Mais depuis 2020, les choses bougent !
Après de multiples rebondissements
juridiques, et des années de lutte
de la part d'acteurs associatifs
(Réseau semences paysannes, Kokopelli,
etc.), la loi du 11 juin 2020 vient assouplir
le cadre juridique encadrant la vente de
semences paysannes.
Désormais, la vente est autorisée…
aux jardiniers amateurs exclusivement,
mais autorisée quand même !
La conservation des semences est d'autant plus cruciale
qu'elles sont sources de nourriture, bases de traitements
médicaux, et socles de biodiversité.
Or, la concentration sur le marché des semences
a entraîné la disparition de la plupart des petits
et moyens semenciers et des variétés végétales :
Ces pertes mettent en danger tout l'écosystème naturel
et posent la question de la résilience de nos systèmes
alimentaires face aux périls que pourrait rencontrer
l'humanité : catastrophes naturelles, guerres,
changement climatique, etc.
Dans ces banques, les graines des plantes sauvages ou cultivées
sont conservées, souvent sous forme congelée, pour des décennies voire des siècles.
Elles sont une copie de sauvegarde de la biodiversité végétale mondiale
pour les générations futures.
S'adapter
à l'environnement local
L’agroécologie, c'est quoi ?
C'est un ensemble de pratiques destinées à trouver le meilleur équilibre
possible entre production agricole et préservation de l’environnement.
Cela implique de réduire les intrants chimiques (engrais, produits
phytosanitaires, etc.), en utilisant au mieux les services fournis
par la nature (eau, soleil, azote de l’air, carbone...).
Sans être une solution miracle, l’agroécologie contribue aux grands défis
auxquels nos sociétés sont confrontées : préservation de la nature,
rémunération juste des producteurs, qualité des aliments, adaptation
aux changements climatiques...
Une infographie sur l'agroécologie
Une infographie sur l'agroécologie
Aujourd'hui,
75 %
de la biodiversité végétale
a déjà disparu
et
21 %
des espèces végétales
sont menacées d’extinction.
Des banques pour
sauvegarder les graines :
Pour préserver les graines de ces menaces, quelques 1 700 banques
de graines privées et publiques ont été créées.
Voici les 12 plus importantes :
National Agriculture and Food
Research Organization Genebank
Tsukuba, JAPON
1985
225 000
National Agrobiodiversity Center
Jeonju, CORÉE DU SUD
2004
200 000
International Rice Research Institute
Los Baños, PHILIPPINES
1960
130 000
National Bureau
Of Plant Genetic Ressources
New Delhi, INDE
1976
400 000
Vavilov Institute
of Plant Industry
Saint-Pétersbourg, RUSSIE
1894
325 000
Svalbard Global
Seed Vault
Svabard, NORGÈVE
2008
980 000
Leibniz Institute of Plant
Genetics and Crop Plant
Research
Gatersleben, ALLEMAGNE
1943
150 000
National Laboratory
for Genetic
Resources Preservation
Fort Collins,Colorado, ÉTATS-UNIS
1958
620 000
Centro Internacional
de Mejoramiento
de Maiz y Trigo
Texcoco, MEXIQUE
1963
170 000
National Crop
Genebank of China
Pékin, CHINE
1986
400 000
International Cro ps
Research Institute
for the Semi-Arid Tropics
Patancheru, INDE
1972
125 000
International Center
for Agricultural Research
in the Dry Areas
Alep, SYRIE
1977
155 000
Et de notre côté,
Au bout du compte, devant l'assiette, il y a
nous et la bonne nouvelle c'est que nous avons
de nombreux leviers d'action pour soutenir un
autre modèle agricole et alimentaire. On peut
s’informer, chercher à savoir d’où vient ce que
l'on mange, comment cela a été produit et
s'approvisionner autrement. Que ce soit pour
défendre la biodiversité, protéger notre santé,
ou simplement pour le plaisir de bien manger,
nous y avons tous intérêt.
Si l'on consomme en grande surface, on s'imagine qu'un
fruit ou un légume a une taille, un poids, une couleur
et un aspect donné.
Et lorsque les aliments ne correspondent pas à ces
critères, cela attise notre méfiance. La première
chose à faire est donc de parvenir à changer de regard
sur nos aliments. Cette standardisation n'a rien
de naturel, l'agriculture s'est pliée à ces conventions
pour des raisons purement logistiques
d'approvisionnement de la grande distribution.
On change de regard
sur notre alimentation :
Le saviez-vous ?
Les graines que vous plantez dans votre
potager n'échappent pas aux règles.
Elles sont majoritairement de type hybride F1,
homologuées dans le catalogue national et
vendues par les multinationales semencières.
En France, le marché des graines potagères
destinées aux jardiniers amateurs est dominé
par Vilmorin, une filiale du géant Limagrain.
Mais bonne nouvelle, depuis 2020, les ventes
de graines paysannes sont autorisées auprès
des jardiniers en herbe.
Alors que ce soit dans un coin de son jardin,
sur son balcon, ou dans un jardin collectif,
on peut contribuer à la sauvegarde
de la biodiversité végétale.
Pour cela, on peut se fournir en semences
paysannes auprès d'associations
et de semenciers artisanaux tels que :
On peut aussi faire du troc de graines pour partager ses pépites
et en découvrir d'autres auprès de passionnés :
On cultive
son jardin :
AMAP, circuits courts, fermes ouvertes,
marchés de producteurs :
en s'approvisionnant auprès
de producteurs locaux, on encourage l'agriculture
paysanne et la transformation artisanale. On évite ainsi
les produits alimentaires importés ou hors saison.
Entrer en contact avec les producteurs permet aussi
de poser des questions, de connaître les produits,
les modes de culture, les choix de variétés.
On fait des courses
engagées :
Attention bio ne veut pas dire paysan :
Au supermarché, on pensait opter pour une variété paysanne
en achetant de belles tomates cœur de bœuf ou autres légumes
estampillés "bio" du rayon, que nenni !
En France,
en bio,
95%
des fruits et légumes que l'on consomme
sont des hybrides F1. En effet, le cahier des
charges bio ne porte pas sur les semences,
mais sur leur mode de culture.
Préserver les graines
pour le futur
Comment garantir une alimentation de qualité
aux populations humaines tout en respectant
la biodiversité et l'environnement ?
Si le modèle agricole intensif actuel montre
aujourd'hui ses limites en la matière,
un modèle alternatif plus proche des besoins
du terrain émerge sous le nom d'agroécologie.
Au cœur de ce modèle, les semences paysannes sont un allié fondamental :
fruit d'une sélection naturelle réalisée par les agriculteurs, ces graines sont plus adaptées au
terroir et au climat. Elles permettent ainsi de limiter les produits chimiques dans les champs.
Un modèle agricole
adapté au terroir
La ferme Sainte-Marthe
La ferme Sainte-Marthe
La semence Bio
La semence Bio
Germinance
Germinance
Le Biau Germe
Le Biau Germe
Kokopelli
Kokopelli
Graines de troc
Graines de troc
Graines et plantes
Graines et plantes
Semeur
Semeur
En savoir plus
En savoir plus
Ce bunker enfoui sous la glace de l'île
norvégienne du Spitzberg abrite la plus
grosse réserve mondiale de semences.
Cette "arche de Noé végétale" creusée
à 130 mètres sous terre a pour vocation
de conserver les graines de toutes les
cultures vivrières de la planète afin
d'assurer leur survie en cas de catastrophe.
Ces semences viennent des quatre coins
du monde (Brésil, Mexique, Zimbabwe,
Syrie et même Corée du Nord).
Elles peuvent être conservées pendant
au moins 200 ans.
Focus
sur le Svalbard
Seed Vault :
En 2015, la Réserve mondiale
de semences a pour la première
fois été mise à contribution :
lors du conflit syrien, une banque
de graines de l'ICARDA (Centre
international de recherche
agricole dans les zones arides)
a été détruite.
Par chance, 90% des graines
avaient été envoyées dans
la réserve. à l'issue du conflit,
l'ICARDA a pu demander
à récupérer les graines perdues.
Voici une petite sélection de documentaires pour faire
toute la lumière sur le monde des graines
et les rouages de l'agro-industrie.
On fait le plein
d'informations :
La guerre des graines de Stenka Quillet
et Clément Montfort
51 minutes pour comprendre les enjeux
des semences et les parties prenantes
du rapport de force qui les entoure.
Une bonne
introduction :
Solutions locales pour désordre global,
de Coline Serreau
De l'Inde au Brésil, en passant par la France,
les experts de la question des semences dévoilent
la face cachée de l’agriculture dans le monde,
tout en mettant en avant les solutions locales mises
en œuvre pour contrer le phénomène.
Celui qui donne
de l'espoir :
Le monde selon Monsanto, de Marie-Monique Robin
Durant 3 ans à travers le monde, Marie-Monique Robin a
enquêté sur les pratiques de Monsanto,
l'une des entreprises les plus influentes dans le monde
des semences et de l'agriculture mais aussi l'une des plus
controversées de notre temps.
Le docu culte :
Cash-investigation : multinationales,
hold-up sur nos fruits et légumes
De l'invention de la tomate éternelle en Israël,
à la diffusion mondiale d'un blé sans apport nutritif,
Elise Lucet et son équipe enquêtent sur le lobby des
semenciers et l'appauvrissement de nos aliments
au fil du temps.
Le plus cash :
Des livres pour
en prendre de la graine :
Un voyage à travers l'histoire des semences,
des champs d'antan aux laboratoires
d'aujourd'hui. L'ouvrage de Véronique Chable
et Gauthier Chapelle replace les semences
dans leur contexte historique, scientifique,
culturel, socio-économique et politique.
Le but du livre est de
"connecter chaque
citoyen à la semence qui le nourrit,
à la personne qui cultive, à celle
qui transforme et à celle qui cuisine".
La graine de mon assiette,
de Véronique Chable et Gauthier Chapelle :
Apprendre à faire ses propres semences, c'est contribuer à la biodiversité,
à la conservation des variétés anciennes, et c'est pas si compliqué.
Pour se lancer, voici la "bible" des semences potagères citée par tous
les jardiniers et les collectifs de production et d'échanges de graines.
Semences potagères,
le manuel pour les produire soi-même
Andrea Heistinger :
Voir ici
Voir ici
Voir ici
Voir ici
Une série d’infographies QQF
réalisée en partenariat avec
Sources
AFD
l
Semences paysannes
l
Cairn
l
FAO
l
Euractiv
À voir ici
À voir ici
À voir ici
À voir ici
À voir ici
À voir ici
À voir ici
À voir ici
Dans les épisodes précédents :
on l'a vu, les petites graines
(ou semences) sont au cœur
de grands enjeux économiques,
écologiques, et de société.
À travers le temps et les régions
du monde, la sélection
et les modes d'échange ou de
commercialisation des graines
ont emprunté des chemins
différents pour répondre aux
besoins et modes de vie locaux.
Quel futur
pour les
graines ?
Comment garantir la sécurité
alimentaire de l’ensemble
de la population
mondiale d'une part…
…et protéger l’environnement
et la biodiversité d'autre part ?
Point récap’
Aujourd'hui, si l'on devait résumer,
deux modèles coexistent dans
le monde. Ils répondent à des
besoins locaux différents
et présentent chacun des
avantages et des inconvénients.
Aujourd'hui, l'avenir des
semences est pris en étau
entre deux modèles, l'un
tourné vers la productivité,
l'autre plus lent,
et deux enjeux clefs :
Le modèle "formel" :
Dans les pays occidentaux où
l'agriculture intensive domine,
les graines sont majoritairement
fournies par les entreprises
semencières.
Elles sont certifiées et leur vente
est encadrée par la loi.
Elles sont protégées par des droits
de propriété intellectuelle
qui assurent leur rentabilité.
D'un côté, elles sont performantes
et répondent aux besoins de
rendements qui ont émergé après
la Seconde Guerre mondiale avec
l'accroissement de la population.
D'un autre, elles entraînent
une perte de biodiversité,
elles sont gourmandes en produits
chimiques et réduisent
l'autonomie des agriculteurs.
Le modèle "informel" :
Dans les pays où l'agriculture
vivrière reste importante,
les graines sont aussi produites
localement à la ferme.
Les agriculteurs produisent,
diffusent et se procurent les
semences eux-mêmes au niveau
local : directement à partir
de leur propre récolte,
dans le cadre d’échanges
entre amis, voisins et parents,
ainsi que sur les marchés
ou auprès des négociants locaux.
D'un côté, elles représentent
un patrimoine biologique
précieux, elles contribuent
à la préservation de la
biodiversité, elles sont adaptées
aux spécificités des terroirs.
D'un autre, elles sont moins
productives, les fruits, légumes
et céréales sont moins
homogènes et stables.
Cela maintient les paysans dans
la précarité et ne couvre pas tous
les besoins alimentaires locaux.
Entre ces deux
modèles, quel
équilibre trouver
pour assurer
la meilleure
gestion possible
des semences
dans le futur ?
Protéger les semences à l'échelle
mondiale, favoriser le partage,
repenser les pratiques agricoles,
préserver les graines pour
le futur sont autant de pistes
de réflexion et d'action
au niveau global.
Mais il est aussi possible
d'agir à notre échelle !
On vous explique tout !
C'est l'Organisation
des Nations-Unies pour
l'alimentation (FAO) qui fait
émerger cette idée en 1983
en déclarant que
« les ressources
phytogénétiques
sont un patrimoine
commun de l’humanité,
et doivent être
préservées et librement
accessibles pour être
utilisées dans l’intérêt
des générations
présentes et futures ».
Considérer
les semences
comme
des biens
communs
C'est quoi un
bien commun ?
Un bien commun est une chose
inappropriable par essence
(comme l’air) et qui cependant
peut être dégradée par la
consommation de chacun.
Il doit donc être géré en commun
suivant des règles établies
collectivement.
En quoi ça
concerne
les graines ?
À plusieurs égards, les graines
peuvent être considérées
comme un bien commun
de l'humanité :
Comme tout être vivant,
elles appartiennent à tous
et à personne.
La biodiversité cultivée
est un bien commun inaliénable :
elle est l'héritage des communautés
paysannes qui l’ont sélectionnée
et renouvelée pendant des
millénaires jusqu'à nos jours.
étant le socle de notre sécurité
alimentaire à travers le monde,
les semences devraient obéir
à des règles communes
de gestion, d'échange
et de protection.
Aujourd'hui, cette vision
des communs ne s'applique
pas vraiment aux graines :
Ériger les semences en bien
commun impliquerait donc
de repenser leurs formes
de commercialisation actuelles
et de remettre en question
les droits de propriété
qui les encadrent.
Plusieurs initiatives vont dans
ce sens, on en parle tout de suite !
elles ne sont pas accessibles
à tous puisque des droits
de propriété intellectuelle
s'appliquent sur certaines
semences.
alors que les semences et leur
patrimoine génétique sont
exploités à des fins marchandes,
les paysans qui ont contribué
à leur amélioration ne reçoivent
pas de contre-partie.
Une idée
qui germe :
le partage
Partager les
semences et
leurs avantages
à l'échelle
mondiale :
Les semences sont la base
biologique de la sécurité
alimentaire et, directement
ou indirectement, elles assurent
la subsistance de chaque habitant
de la planète.
À ce titre, leur protection
et leur gestion commune fait
l'objet d'un traité international :
L'objectif :
ce traité adopté en 2004
par 147 États membres
(la Russie et la Chine ne sont
pas signataires) a pour but
la préservation, la gestion
commune et le partage
des ressources phytogénétiques
(des semences donc)
à l'échelle mondiale.
Le Traité international
sur les ressources
phytogénétiques pour
l'alimentation et
l'agriculture
soit le TIRPAA, ou le "Traité
des semences de la FAO*"
*Organisation des Nations Unies pour
l'alimentation et l'agriculture.
Ce traité intègre
notamment
la création d'un
fond de partage
des semences
et de leurs
avantages.
Le fond fournit un accès
gratuit à près de
2 millions
de ressources génétiques
à la fois aux acteurs publics
et privés.
Et si une entreprise utilise
ces ressources pour élaborer
un produit qu'elle protège ensuite
par un brevet, elle doit reverser
1,1 % de ses ventes au Fond
de partage des bénéfices.
Les signataires du Traité et toute
partie (État ou personne privée)
qui mettent leurs propres
ressources à la disposition
du système multilatéral ont
librement accès à l’ensemble
des ressources qui y ont été
cédées par les autres parties.
soutenir l'agriculture
paysanne des pays
en développement
financer la recherche
pour des semences
adaptées aux besoins
locaux
et au changement
climatique
préserver les connaissances
traditionnelles
et favoriser l’échange
de variétés
L'objectif de ce fond est de :
Les petits exploitants
agricoles familiaux assurent
1/3
environ de la production
alimentaire mondiale
La
reconnaissance
du secteur
informel
et du partage
de graines :
Une bonne partie de la planète
se nourrit encore grâce
à l'agriculture vivrière.
Les semences dites paysannes
(c’est-à-dire les semences non
commerciales, sélectionnées
directement à la ferme par les
paysans) occupent une place
centrale.
Par ailleurs, les semences
paysannes reflètent le patrimoine
et la diversité des territoires.
Elles sont aussi reconnues pour
leur adaptation aux terroirs
et leur résilience face au
changement climatique.
Pourtant,
en fonction des
pays, la vente
et l'échange
des semences
paysannes
est plus ou moins
strictement
encadré et
reconnu.
Zoom sur un pays
qu'on connaît bien :
En France :
Si vous avez suivi les épisodes
précédents, vous avez appris
qu'en Europe, seules les
semences homologuées et inscrites
dans le catalogue national sont
commercialisables. Cela exclut de
fait les semences dites paysannes.
Produites par les agriculteurs
à la ferme ou par les jardiniers
amateurs, les semences
paysannes ne sont pas stables
et homogènes donc
automatiquement exclues
du catalogue officiel.
La vente ou l’échange
des semences paysannes
à des fins commerciales
est donc INTERDITE et passible
de sanctions juridiques.
Mais depuis 2020,
les choses bougent !
Après de multiples
rebondissements juridiques,
et des années de lutte
de la part d'acteurs associatifs
(Réseau semences paysannes,
Kokopelli, etc.), la loi du 11 juin
2020 vient assouplir le cadre
juridique encadrant la vente
de semences paysannes.
Désormais, la vente est
autorisée… aux jardiniers
amateurs exclusivement,
mais autorisée quand même !
Et si les graines appartenaient
à tout le monde et étaient
accessibles à tous ?
C'est l'idée défendue
par l'association allemande
Agrecol et son initiative
Open-Source seeds ou Semences
libres de droit.
Inspiré d'un modèle issu du web,
le système d'open-source,
l'association propose, en accès
libre, des variétés de tomates,
de blés, de pommes de terre,
de maïs et de piment.
L'objectif :
encourager les agriculteurs
et artisans semenciers
à développer des variétés
nouvelles adaptées à leurs
besoins et capables de résister
aux futurs changements
climatiques.
S'inspirer
des modèles
open-source
En savoir plus
S'adapter
à l'environ-
nement local
L’agroécologie, c'est quoi ?
C'est un ensemble de pratiques
destinées à trouver le meilleur
équilibre possible
entre production agricole
et préservation de
l’environnement.
Cela implique de réduire les
intrants chimiques (engrais,
produits phytosanitaires, etc.),
en utilisant au mieux les services
fournis par la nature (eau, soleil,
azote de l’air, carbone...).
Sans être une solution miracle,
l’agroécologie contribue aux
grands défis auxquels nos
sociétés sont confrontées :
préservation de la nature,
rémunération juste des
producteurs, qualité des aliments,
adaptation aux changements
Une infographie
sur l'agroécologie
Comment garantir
une alimentation de qualité
aux populations humaines
tout en respectant la biodiversité
et l'environnement ?
Si le modèle agricole intensif
actuel montre aujourd'hui
ses limites en la matière,
un modèle alternatif plus proche
des besoins du terrain émerge
sous le nom d'agroécologie.
Au cœur de ce modèle,
les semences paysannes
sont un allié fondamental :
fruit d'une sélection naturelle
réalisée par les agriculteurs,
ces graines sont plus adaptées
au terroir et au climat.
Elles permettent ainsi de limiter
les produits chimiques
dans les champs.
Un modèle
agricole adapté
au terroir
La conservation des semences
est d'autant plus cruciale qu'elles
sont sources de nourriture,
bases de traitements médicaux,
et socles de biodiversité.
Or, la concentration sur le marché
des semences a entraîné la
disparition de la plupart des petits
et moyens semenciers
et des variétés végétales :
Ces pertes mettent en danger
tout l'écosystème naturel et
posent la question de la résilience
de nos systèmes alimentaires face
aux périls que pourrait rencontrer
l'humanité : catastrophes
naturelles, guerres,
changement climatique, etc.
Aujourd'hui,
75 %
de la biodiversité végétale
a déjà disparu
et
21 %
des espèces végétales
sont menacées d’extinction.
Des banques
pour sauvegarder
les graines :
Pour préserver les graines
de ces menaces, quelques 1 700
banques de graines privées
et publiques ont été créées.
Voici les 12 plus importantes :
Svalbard Global
Seed Vault
Svabard, NORGÈVE
2008
980 000
Leibniz Institute of Plant
Genetics and Crop Plant
Research
Gatersleben, ALLEMAGNE
1943
150 000
National Laboratory
for Genetic
Resources Preservation
Fort Collins,Colorado, ÉTATS-UNIS
1958
620 000
Centro Internacional
de Mejoramiento
de Maiz y Trigo
Texcoco, MEXIQUE
1963
170 000
International Center
for Agricultural Research
in the Dry Areas
Alep, SYRIE
1977
155 000
Vavilov Institute
of Plant Industry
Saint-Pétersbourg, RUSSIE
1894
325 000
Préserver
les graines
pour le futur
2
3
1
1
3
2
4
5
6
4
6
7
8
9
10
11
12
5
National Bureau
Of Plant Genetic
Ressources
New Delhi, INDE
1976
400 000
International Crops
Research Institute
for the Semi-Arid Tropics
Patancheru, INDE
1972
125 000
7
8
National
Agrobiodiversity Center
Jeo nju, CORÉE DU SUD
2004
200 000
National Crop
Genebank of China
Pékin, CHINE
1986
400 000
9
10
International Rice
Research Institute
Los Baños, PHILIPPINES
1960
130 000
National Agriculture
and Food Research
Organization Genebank
Tsukuba, JAPON
1985
225 000
11
12
Dans ces banques, les graines
des plantes sauvages ou cultivées
sont conservées, souvent sous
forme congelée, pour des
décennies voire des siècles.
Elles sont une copie
de sauvegarde de la biodiversité
végétale mondiale
pour les générations futures.
Ce bunker enfoui sous la glace
de l'île norvégienne du Spitzberg
abrite la plus grosse réserve
mondiale de semences.
Cette "arche de Noé végétale"
creusée à 130 mètres sous terre
a pour vocation de conserver
les graines de toutes les cultures
vivrières de la planète afin
d'assurer leur survie
en cas de catastrophe.
Ces semences viennent des
quatre coins du monde (Brésil,
Mexique, Zimbabwe, Syrie
et même Corée du Nord).
Elles peuvent être conservées
pendant au moins 200 ans.
Focus
sur le Svalbard
Seed Vault :
En 2015, la Réserve mondiale
de semences a pour la première
fois été mise à contribution :
lors du conflit syrien, une banque
de graines de l'ICARDA (Centre
international de recherche
agricole dans les zones arides)
a été détruite.
Par chance, 90% des graines
avaient été envoyées dans
la réserve. à l'issue du conflit,
l'ICARDA a pu demander
à récupérer les graines perdues.
En savoir plus
Le saviez-vous ?
Les graines que vous plantez
dans votre potager n'échappent
pas aux règles.
Elles sont majoritairement de type
hybride F1, homologuées dans le
catalogue national et vendues par
les multinationales semencières.
En France, le marché des graines
potagères destinées aux jardiniers
amateurs est dominé par Vilmorin,
une filiale du géant Limagrain.
Mais bonne nouvelle, depuis
2020, les ventes de graines
paysannes sont autorisées auprès
des jardiniers en herbe.
Alors que ce soit dans un coin
de son jardin, sur son balcon,
ou dans un jardin collectif,
on peut contribuer à la
sauvegarde de la biodiversité
végétale.
Pour cela, on peut se fournir
en semences paysannes auprès
d'associations et de semenciers
artisanaux tels que :
On cultive
son jardin :
La ferme Sainte-Marthe
La semence Bio
Germinance
Le Biau Germe
Kokopelli
Et de notre côté,
Au bout du
compte, devant
l'assiette, il y a
nous et la bonne
nouvelle c'est
que nous avons
de nombreux
leviers d'action
pour soutenir
un autre modèle
agricole et
alimentaire.
On peut
s’informer,
chercher à savoir
d’où vient ce
que l'on mange,
comment cela
a été produit et
s'approvisionner
autrement.
Que ce soit
pour défendre
la biodiversité,
protéger notre
santé, ou
simplement pour
le plaisir de bien
manger, nous
y avons tous
intérêt.
Si l'on consomme en grande
surface, on s'imagine qu'un fruit
ou un légume a une taille,
un poids, une couleur
et un aspect donné.
Et lorsque les aliments ne
correspondent pas à ces critères,
cela attise notre méfiance.
La première chose à faire est donc
de parvenir à changer de regard
sur nos aliments.
Cette standardisation n'a rien
de naturel, l'agriculture s'est pliée
à ces conventions pour des
raisons purement logistiques
d'approvisionnement de la grande
distribution.
On change
de regard
sur notre
alimenta-
tion :
AMAP, circuits courts,
fermes ouvertes, marchés
de producteurs :
en s'approvisionnant auprès
de producteurs locaux, on
encourage l'agriculture paysanne
et la transformation artisanale.
On évite ainsi les produits
alimentaires importés
ou hors saison.
Entrer en contact avec
les producteurs permet
aussi de poser des questions,
de connaître les produits,
les modes de culture,
les choix de variétés.
On fait
des courses
engagées :
Attention
bio ne veut
pas dire paysan :
Au supermarché, on pensait
opter pour une variété paysanne
en achetant de belles tomates
cœur de bœuf ou autres légumes
estampillés "bio" du rayon,
que nenni !
En France, en bio,
95%
des fruits et légumes que l'on
consomme sont des hybrides F1.
En effet, le cahier des charges bio
ne porte pas sur les semences,
mais sur leur mode de culture.
On peut aussi faire du troc de
graines pour partager ses pépites
et en découvrir d'autres auprès
de passionnés :
Graines de troc
Graines et plantes
Semeur
Des livres
pour en
prendre de
la graine :
Un voyage à travers l'histoire des
semences, des champs d'antan
aux laboratoires d'aujourd'hui.
L'ouvrage de Véronique Chable
et Gauthier Chapelle replace
les semences dans leur contexte
historique, scientifique, culturel,
socio-économique et politique.
Le but du livre est de
"connecter
chaque citoyen à la semence qui
le nourrit, à la personne qui
cultive, à celle qui transforme
et à celle qui cuisine".
La graine de
mon assiette,
Véronique Chable
et Gauthier Chapelle
Apprendre à faire ses propres
semences, c'est contribuer
à la biodiversité, à la conservation
des variétés anciennes,
et c'est pas si compliqué.
Pour se lancer, voici la "bible"
des semences potagères citée
par tous les jardiniers et les
collectifs de production
et d'échanges de graines.
Semences
potagères,
le manuel pour
les produire
soi-même
Andrea Heistinger
Voir ici
Voir ici
Voici une petite sélection
de documentaires pour faire
toute la lumière sur le monde
des graines.
et les rouages
de l'agro-industrie.
On fait le
plein d'infor-
mations :
La guerre des graines de Stenka
Quillet et Clément Montfort
51 minutes pour comprendre les
enjeux des semences et les parties
prenantes du rapport de force
qui les entoure.
Une bonne
introduction :
Solutions locales pour désordre
global, de Coline Serreau
De l'Inde au Brésil, en passant
par la France, les experts de la
question des semences dévoilent
la face cachée de l’agriculture
dans le monde, tout en mettant
en avant les solutions locales
mises en œuvre pour contrer
le phénomène.
Celui qui donne
de l'espoir :
Le monde selon Monsanto,
de Marie-Monique Robin
Durant 3 ans à travers le monde,
Marie-Monique Robin enquête
sur les pratiques de Monsanto,
l'une des entreprises les plus
influentes dans le monde des
semences et de l'agriculture mais
aussi l'une des plus controversées
de notre temps.
Le docu culte :
Cash-investigation :
multinationales, hold-up sur
nos fruits et légumes
De l'invention de la tomate
éternelle en Israël, à la diffusion
mondiale d'un blé sans apport
nutritif, Elise Lucet et son équipe
enquêtent sur le lobby des
semenciers et l'appauvrissement
de nos aliments au fil du temps.
Le plus cash :
À voir ici
À voir ici
À voir ici
À voir ici
Une série d’infographie QQF
réalisée en partenariat avec
Sources
AFD
l
Semences paysannes
l
Cairn
l
FAO
l
Euractiv