C'est quoi un bien commun ? Un bien commun est une chose inappropriable par essence (comme l’air) et qui, cependant, peut être dégradée par la consommation de chacun. Il doit donc être géré en commun suivant des règles établies collectivement. En quoi ça concerne les graines ? À plusieurs égards, les graines peuvent être considérées comme un bien commun de l'humanité : Comme tout être vivant, elles appartiennent à tous et à personne. La biodiversité cultivée est un bien commun inaliénable : elle est l'héritage des communautés paysannes qui l’ont sélectionnée et renouvelée pendant des millénaires jusqu'à nos jours. étant le socle de notre sécurité alimentaire à travers le monde, les semences devraient obéir à des règles communes de gestion, d'échange et de protection. Aujourd'hui, cette vision des communs ne s'applique pas vraiment aux graines : Ériger les semences en bien commun impliquerait donc de repenser leurs formes de commercialisation actuelles et de remettre en question les droits de propriété qui les encadrent. Plusieurs initiatives vont dans ce sens, on en parle tout de suite ! alors que les semences et leur patrimoine génétique sont exploités à des fins marchandes, les paysans qui ont contribué à leur amélioration ne reçoivent pas de contre-partie. elles ne sont pas accessibles à tous puisque des droits de propriété intellectuelle s'appliquent sur certaines semences. C'est l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation (FAO) qui fait émerger cette idée en 1983 en déclarant que « les ressources phytogénétiques sont un patrimoine commun de l’humanité, et doivent être préservées et librement accessibles pour être utilisées dans l’intérêt des générations présentes et futures ». Considérer les semences comme des biens communs Les petits exploitants agricoles familiaux assurent 1/3 environ de la production alimentaire mondiale Une idée qui germe : le partage Partager les semences et leurs avantages à l'échelle mondiale : Les semences sont la base biologique de la sécurité alimentaire et, directement ou indirectement, elles assurent la subsistance de chaque habitant de la planète. À ce titre, leur protection et leur gestion commune fait l'objet d'un traité international : L'objectif : ce traité adopté en 2004 par 147 États membres (la Russie et la Chine ne sont pas signataires) a pour but la préservation, la gestion commune et le partage des ressources phytogénétiques (des semences donc) à l'échelle mondiale. Ce traité intègre notamment la création d'un fond de partage des semences et de leurs avantages. Le fond fournit un accès gratuit à près de 2 millions de ressources génétiques à la fois aux acteurs publics et privés. Par ailleurs, les semences paysannes reflètent le patrimoine et la diversité des territoires. Elles sont aussi reconnues pour leur adaptation aux terroirs et leur résilience face au changement climatique. Une bonne partie de la planète se nourrit encore grâce à l'agriculture vivrière. Les semences dites paysannes (c’est-à-dire les semences non commerciales, sélectionnées directement à la ferme par les paysans) occupent une place centrale dans ce modèle agricole. Et si une entreprise utilise ces ressources pour élaborer un produit qu'elle protège ensuite par un brevet, elle doit reverser 1,1 % de ses ventes au Fond de partage des bénéfices. Les signataires du Traité et toute partie (État ou personne privée) qui mettent leurs propres ressources à la disposition du système multilatéral ont librement accès à l’ensemble des ressources qui y ont été cédées par les autres parties. La reconnaissance du secteur informel et du partage de graines : Le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculturesoit le TIRPAA, ou le "Traité des semences de la FAO*"*Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. soutenir l'agriculture paysanne des pays en développementfinancer la recherche pour des semences adaptées aux besoins locaux et au changement climatiquepréserver les connaissances traditionnelles et favoriser l’échange de variétés L'objectif de ce fond est de : Dans les épisodes précédents : on l'a vu, les petites graines (ou semences) sont au cœur de grands enjeux économiques, écologiques, et de société. À travers le temps et les régions du monde, la sélection et les modes d'échange ou de commercialisation des graines ont emprunté des chemins différents pour répondre aux besoins et modes de vie locaux. Quel futur pour les graines ? Comment garantir la sécurité alimentaire de l’ensemble de la population mondiale d'une part… …et protéger l’environnement et la biodiversité d'autre part ? Entre ces deux modèles, quel équilibre trouver pour assurer la meilleure gestion possible des semences dans le futur ? Protéger les semences à l'échelle mondiale, favoriser le partage, repenser les pratiques agricoles, préserver les graines pour le futur sont autant de pistes de réflexion et d'action au niveau global. Mais il est aussi possible d'agir à notre échelle ! On vous explique tout ! Point récap’ Aujourd'hui, si l'on devait résumer, deux modèles coexistent dans le monde. Ils répondent à des besoins locaux différents et présentent chacun des avantages et des inconvénients. Le modèle "formel" :Dans les pays occidentaux où l'agriculture intensive domine, les graines sont majoritairement fournies par les entreprises semencières. Elles sont certifiées et leur vente est encadrée par la loi. Elles sont protégées par des droits de propriété intellectuelle qui assurent leur rentabilité. D'un côté, elles sont performantes et répondent aux besoins de rendements qui ont émergé après la Seconde Guerre mondiale avec l'accroissement de la population. D'un autre, elles entraînent une perte de biodiversité, elles sont gourmandes en produits chimiques et réduisent l'autonomie des agriculteurs. Le modèle "informel" :Dans les pays où l'agriculture vivrière reste importante, les graines sont aussi produites localement à la ferme. Les agriculteurs produisent, diffusent et se procurent les semences eux-mêmes au niveau local : directement à partir de leur propre récolte, dans le cadre d’échanges entre amis, voisins et parents, ainsi que sur les marchés ou auprès des négociants locaux. D'un côté, elles représentent un patrimoine biologique précieux, elles contribuent à la préservation de la biodiversité, elles sont adaptées aux spécificités des terroirs.D'un autre, elles sont moins productives, les fruits, légumes et céréales sont moins homogènes et stables. Cela maintient les paysans dans la précarité et ne couvre pas tous les besoins alimentaires locaux. Aujourd'hui, l'avenir des semences est pris en étau entre deux modèles, l'un tourné vers la productivité, l'autre plus lent, et deux enjeux clefs : Et si les graines appartenaient à tout le monde et étaient accessibles à tous ? C'est l'idée défendue par l'association allemande Agrecol et son initiative Open-Source seeds ou Semences libres de droit.Inspiré d'un modèle issu du web - le système d'open-source - l'association propose, en accès libre, des variétés de tomates, de blés, de pommes de terre, de maïs et de piment.L'objectif : encourager les agriculteurs et artisans semenciers à développer des variétés nouvelles adaptées à leurs besoins et capables de résister aux futurs changements climatiques. Pourtant, en fonction des pays, la vente et l'échange des semences paysannes est plus ou moins strictement encadré et reconnu. Zoom sur un pays qu'on connaît bien : S'inspirer des modèles open-source En savoir plus En savoir plus En France :Si vous avez suivi les épisodes précédents, vous avez appris qu'en Europe, seules les semences homologuées et inscrites dans le catalogue national sont commercialisables. Cela exclut de fait les semences dites paysannes. Produites par les agriculteurs à la ferme ou par les jardiniers amateurs, les semences paysannes ne sont pas stables et homogènes donc automatiquement exclues du catalogue officiel. La vente ou l’échange des semences paysannes à des fins commerciales est donc INTERDITE et passible de sanctions juridiques. Mais depuis 2020, les choses bougent ! Après de multiples rebondissements juridiques, et des années de lutte de la part d'acteurs associatifs (Réseau semences paysannes, Kokopelli, etc.), la loi du 11 juin 2020 vient assouplir le cadre juridique encadrant la vente de semences paysannes. Désormais, la vente est autorisée… aux jardiniers amateurs exclusivement, mais autorisée quand même !
La conservation des semences est d'autant plus cruciale qu'elles sont sources de nourriture, bases de traitements médicaux, et socles de biodiversité. Or, la concentration sur le marché des semences a entraîné la disparition de la plupart des petits et moyens semenciers et des variétés végétales : Ces pertes mettent en danger tout l'écosystème naturel et posent la question de la résilience de nos systèmes alimentaires face aux périls que pourrait rencontrer l'humanité : catastrophes naturelles, guerres, changement climatique, etc. Dans ces banques, les graines des plantes sauvages ou cultivées sont conservées, souvent sous forme congelée, pour des décennies voire des siècles. Elles sont une copie de sauvegarde de la biodiversité végétale mondiale pour les générations futures. S'adapter à l'environnement local L’agroécologie, c'est quoi ? C'est un ensemble de pratiques destinées à trouver le meilleur équilibre possible entre production agricole et préservation de l’environnement. Cela implique de réduire les intrants chimiques (engrais, produits phytosanitaires, etc.), en utilisant au mieux les services fournis par la nature (eau, soleil, azote de l’air, carbone...). Sans être une solution miracle, l’agroécologie contribue aux grands défis auxquels nos sociétés sont confrontées : préservation de la nature, rémunération juste des producteurs, qualité des aliments, adaptation aux changements climatiques... Une infographie sur l'agroécologie Une infographie sur l'agroécologie Aujourd'hui, 75 % de la biodiversité végétale a déjà disparu et 21 % des espèces végétales sont menacées d’extinction. Des banques pour sauvegarder les graines : Pour préserver les graines de ces menaces, quelques 1 700 banques de graines privées et publiques ont été créées.  Voici les 12 plus importantes : National Agriculture and Food Research Organization GenebankTsukuba, JAPON1985225 000 National Agrobiodiversity CenterJeonju, CORÉE DU SUD2004200 000 International Rice Research InstituteLos Baños, PHILIPPINES1960130 000 National Bureau Of Plant Genetic RessourcesNew Delhi, INDE1976400 000 Vavilov Institute of Plant IndustrySaint-Pétersbourg, RUSSIE1894325 000 Svalbard Global Seed VaultSvabard, NORGÈVE2008980 000 Leibniz Institute of Plant Genetics and Crop Plant ResearchGatersleben, ALLEMAGNE1943150 000 National Laboratory for Genetic Resources PreservationFort Collins,Colorado, ÉTATS-UNIS1958620 000 Centro Internacional de Mejoramiento de Maiz y TrigoTexcoco, MEXIQUE1963170 000 National Crop Genebank of ChinaPékin, CHINE1986400 000 International Cro ps Research Institute for the Semi-Arid TropicsPatancheru, INDE1972125 000 International Center for Agricultural Research in the Dry AreasAlep, SYRIE1977155 000 Et de notre côté, Au bout du compte, devant l'assiette, il y a nous et la bonne nouvelle c'est que nous avons de nombreux leviers d'action pour soutenir un autre modèle agricole et alimentaire. On peut s’informer, chercher à savoir d’où vient ce que l'on mange, comment cela a été produit et s'approvisionner autrement. Que ce soit pour défendre la biodiversité, protéger notre santé, ou simplement pour le plaisir de bien manger, nous y avons tous intérêt. Si l'on consomme en grande surface, on s'imagine qu'un fruit ou un légume a une taille, un poids, une couleur et un aspect donné. Et lorsque les aliments ne correspondent pas à ces critères, cela attise notre méfiance. La première chose à faire est donc de parvenir à changer de regard sur nos aliments. Cette standardisation n'a rien de naturel, l'agriculture s'est pliée à ces conventions pour des raisons purement logistiques d'approvisionnement de la grande distribution. On change de regard sur notre alimentation : Le saviez-vous ? Les graines que vous plantez dans votre potager n'échappent pas aux règles. Elles sont majoritairement de type hybride F1, homologuées dans le catalogue national et vendues par les multinationales semencières. En France, le marché des graines potagères destinées aux jardiniers amateurs est dominé par Vilmorin, une filiale du géant Limagrain. Mais bonne nouvelle, depuis 2020, les ventes de graines paysannes sont autorisées auprès des jardiniers en herbe. Alors que ce soit dans un coin de son jardin, sur son balcon, ou dans un jardin collectif, on peut contribuer à la sauvegarde de la biodiversité végétale. Pour cela, on peut se fournir en semences paysannes auprès d'associations et de semenciers artisanaux tels que : On peut aussi faire du troc de graines pour partager ses pépites et en découvrir d'autres auprès de passionnés : On cultive son jardin : AMAP, circuits courts, fermes ouvertes, marchés de producteurs : en s'approvisionnant auprès de producteurs locaux, on encourage l'agriculture paysanne et la transformation artisanale. On évite ainsi les produits alimentaires importés ou hors saison.Entrer en contact avec les producteurs permet aussi de poser des questions, de connaître les produits, les modes de culture, les choix de variétés. On fait des courses engagées : Attention bio ne veut pas dire paysan : Au supermarché, on pensait opter pour une variété paysanne en achetant de belles tomates cœur de bœuf ou autres légumes estampillés "bio" du rayon, que nenni ! En France, en bio, 95% des fruits et légumes que l'on consomme sont des hybrides F1. En effet, le cahier des charges bio ne porte pas sur les semences, mais sur leur mode de culture.  Préserver les graines pour le futur Comment garantir une alimentation de qualité aux populations humaines tout en respectant la biodiversité et l'environnement ? Si le modèle agricole intensif actuel montre aujourd'hui ses limites en la matière, un modèle alternatif plus proche des besoins du terrain émerge sous le nom d'agroécologie. Au cœur de ce modèle, les semences paysannes sont un allié fondamental : fruit d'une sélection naturelle réalisée par les agriculteurs, ces graines sont plus adaptées au terroir et au climat. Elles permettent ainsi de limiter les produits chimiques dans les champs. Un modèle agricole adapté au terroir La ferme Sainte-Marthe La ferme Sainte-Marthe La semence Bio La semence Bio Germinance Germinance Le Biau Germe Le Biau Germe Kokopelli Kokopelli Graines de troc Graines de troc Graines et plantes Graines et plantes Semeur Semeur En savoir plus En savoir plus Ce bunker enfoui sous la glace de l'île norvégienne du Spitzberg abrite la plus grosse réserve mondiale de semences. Cette "arche de Noé végétale" creusée à 130 mètres sous terre a pour vocation de conserver les graines de toutes les cultures vivrières de la planète afin d'assurer leur survie en cas de catastrophe. Ces semences viennent des quatre coins du monde (Brésil, Mexique, Zimbabwe, Syrie et même Corée du Nord). Elles peuvent être conservées pendant au moins 200 ans. Focus sur le Svalbard Seed Vault : En 2015, la Réserve mondiale de semences a pour la première fois été mise à contribution : lors du conflit syrien, une banque de graines de l'ICARDA (Centre international de recherche agricole dans les zones arides) a été détruite. Par chance, 90% des graines avaient été envoyées dans la réserve. à l'issue du conflit, l'ICARDA a pu demander à récupérer les graines perdues.
Voici une petite sélection de documentaires pour faire toute la lumière sur le monde des graines et les rouages de l'agro-industrie. On fait le plein d'informations : La guerre des graines de Stenka Quillet et Clément Montfort51 minutes pour comprendre les enjeux des semences et les parties prenantes du rapport de force qui les entoure. Une bonne introduction : Solutions locales pour désordre global, de Coline SerreauDe l'Inde au Brésil, en passant par la France, les experts de la question des semences dévoilent la face cachée de l’agriculture dans le monde, tout en mettant en avant les solutions locales mises en œuvre pour contrer le phénomène. Celui qui donne de l'espoir : Le monde selon Monsanto, de Marie-Monique RobinDurant 3 ans à travers le monde, Marie-Monique Robin a enquêté sur les pratiques de Monsanto, l'une des entreprises les plus influentes dans le monde des semences et de l'agriculture mais aussi l'une des plus controversées de notre temps. Le docu culte : Cash-investigation : multinationales, hold-up sur nos fruits et légumesDe l'invention de la tomate éternelle en Israël, à la diffusion mondiale d'un blé sans apport nutritif, Elise Lucet et son équipe enquêtent sur le lobby des semenciers et l'appauvrissement de nos aliments au fil du temps. Le plus cash : Des livres pour en prendre de la graine : Un voyage à travers l'histoire des semences, des champs d'antan aux laboratoires d'aujourd'hui. L'ouvrage de Véronique Chable et Gauthier Chapelle replace les semences dans leur contexte historique, scientifique, culturel, socio-économique et politique. Le but du livre est de "connecter chaque citoyen à la semence qui le nourrit, à la personne qui cultive, à celle qui transforme et à celle qui cuisine".  La graine de mon assiette, de Véronique Chable et Gauthier Chapelle : Apprendre à faire ses propres semences, c'est contribuer à la biodiversité, à la conservation des variétés anciennes, et c'est pas si compliqué. Pour se lancer, voici la "bible" des semences potagères citée par tous les jardiniers et les collectifs de production et d'échanges de graines. Semences potagères, le manuel pour les produire soi-même Andrea Heistinger : Voir ici Voir ici Voir ici Voir ici Une série d’infographies QQF réalisée en partenariat avec Sources AFD l Semences paysannes l Cairn l FAO l Euractiv À voir ici À voir ici À voir ici À voir ici À voir ici À voir ici À voir ici À voir ici
Dans les épisodes précédents : on l'a vu, les petites graines (ou semences) sont au cœur de grands enjeux économiques, écologiques, et de société. À travers le temps et les régions du monde, la sélection et les modes d'échange ou de commercialisation des graines ont emprunté des chemins différents pour répondre aux besoins et modes de vie locaux. Quel futur pour les graines ? Comment garantir la sécurité alimentaire de l’ensemble de la population mondiale d'une part… …et protéger l’environnement et la biodiversité d'autre part ? Point récap’ Aujourd'hui, si l'on devait résumer, deux modèles coexistent dans le monde. Ils répondent à des besoins locaux différents et présentent chacun des avantages et des inconvénients. Aujourd'hui, l'avenir des semences est pris en étau entre deux modèles, l'un tourné vers la productivité, l'autre plus lent, et deux enjeux clefs : Le modèle "formel" :Dans les pays occidentaux où l'agriculture intensive domine, les graines sont majoritairement fournies par les entreprises semencières. Elles sont certifiées et leur vente est encadrée par la loi. Elles sont protégées par des droits de propriété intellectuelle qui assurent leur rentabilité. D'un côté, elles sont performantes et répondent aux besoins de rendements qui ont émergé après la Seconde Guerre mondiale avec l'accroissement de la population. D'un autre, elles entraînent une perte de biodiversité, elles sont gourmandes en produits chimiques et réduisent l'autonomie des agriculteurs. Le modèle "informel" :Dans les pays où l'agriculture vivrière reste importante, les graines sont aussi produites localement à la ferme. Les agriculteurs produisent, diffusent et se procurent les semences eux-mêmes au niveau local : directement à partir de leur propre récolte, dans le cadre d’échanges entre amis, voisins et parents, ainsi que sur les marchés ou auprès des négociants locaux. D'un côté, elles représentent un patrimoine biologique précieux, elles contribuent à la préservation de la biodiversité, elles sont adaptées aux spécificités des terroirs.D'un autre, elles sont moins productives, les fruits, légumes et céréales sont moins homogènes et stables. Cela maintient les paysans dans la précarité et ne couvre pas tous les besoins alimentaires locaux. Entre ces deux modèles, quel équilibre trouver pour assurer la meilleure gestion possible des semences dans le futur ? Protéger les semences à l'échelle mondiale, favoriser le partage, repenser les pratiques agricoles, préserver les graines pour le futur sont autant de pistes de réflexion et d'action au niveau global. Mais il est aussi possible d'agir à notre échelle ! On vous explique tout ! C'est l'Organisation des Nations-Unies pour l'alimentation (FAO) qui fait émerger cette idée en 1983 en déclarant que « les ressources phytogénétiques sont un patrimoine commun de l’humanité, et doivent être préservées et librement accessibles pour être utilisées dans l’intérêt des générations présentes et futures ». Considérer les semences comme des biens communs C'est quoi un bien commun ? Un bien commun est une chose inappropriable par essence (comme l’air) et qui cependant peut être dégradée par la consommation de chacun. Il doit donc être géré en commun suivant des règles établies collectivement. En quoi ça concerne les graines ? À plusieurs égards, les graines peuvent être considérées comme un bien commun de l'humanité : Comme tout être vivant, elles appartiennent à tous et à personne. La biodiversité cultivée est un bien commun inaliénable : elle est l'héritage des communautés paysannes qui l’ont sélectionnée et renouvelée pendant des millénaires jusqu'à nos jours. étant le socle de notre sécurité alimentaire à travers le monde, les semences devraient obéir à des règles communes de gestion, d'échange et de protection. Aujourd'hui, cette vision des communs ne s'applique pas vraiment aux graines : Ériger les semences en bien commun impliquerait donc de repenser leurs formes de commercialisation actuelles et de remettre en question les droits de propriété qui les encadrent. Plusieurs initiatives vont dans ce sens, on en parle tout de suite ! elles ne sont pas accessibles à tous puisque des droits de propriété intellectuelle s'appliquent sur certaines semences. alors que les semences et leur patrimoine génétique sont exploités à des fins marchandes, les paysans qui ont contribué à leur amélioration ne reçoivent pas de contre-partie.
Une idée qui germe : le partage Partager les semences et leurs avantages à l'échelle mondiale : Les semences sont la base biologique de la sécurité alimentaire et, directement ou indirectement, elles assurent la subsistance de chaque habitant de la planète. À ce titre, leur protection et leur gestion commune fait l'objet d'un traité international : L'objectif : ce traité adopté en 2004 par 147 États membres (la Russie et la Chine ne sont pas signataires) a pour but la préservation, la gestion commune et le partage des ressources phytogénétiques (des semences donc) à l'échelle mondiale. Le Traité international sur les ressources phytogénétiques pour l'alimentation et l'agriculturesoit le TIRPAA, ou le "Traité des semences de la FAO*"*Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture. Ce traité intègre notamment la création d'un fond de partage des semences et de leurs avantages. Le fond fournit un accès gratuit à près de 2 millions de ressources génétiques à la fois aux acteurs publics et privés. Et si une entreprise utilise ces ressources pour élaborer un produit qu'elle protège ensuite par un brevet, elle doit reverser 1,1 % de ses ventes au Fond de partage des bénéfices. Les signataires du Traité et toute partie (État ou personne privée) qui mettent leurs propres ressources à la disposition du système multilatéral ont librement accès à l’ensemble des ressources qui y ont été cédées par les autres parties. soutenir l'agriculture paysanne des pays en développementfinancer la recherche pour des semences adaptées aux besoins locaux et au changement climatiquepréserver les connaissances traditionnelles et favoriser l’échange de variétés L'objectif de ce fond est de : Les petits exploitants agricoles familiaux assurent 1/3 environ de la production alimentaire mondiale La reconnaissance du secteur informel et du partage de graines : Une bonne partie de la planète se nourrit encore grâce à l'agriculture vivrière. Les semences dites paysannes (c’est-à-dire les semences non commerciales, sélectionnées directement à la ferme par les paysans) occupent une place centrale. Par ailleurs, les semences paysannes reflètent le patrimoine et la diversité des territoires. Elles sont aussi reconnues pour leur adaptation aux terroirs et leur résilience face au changement climatique. Pourtant, en fonction des pays, la vente et l'échange des semences paysannes est plus ou moins strictement encadré et reconnu. Zoom sur un paysqu'on connaît bien : En France :Si vous avez suivi les épisodes précédents, vous avez appris qu'en Europe, seules les semences homologuées et inscritesdans le catalogue national sontcommercialisables. Cela exclut de fait les semences dites paysannes.Produites par les agriculteursà la ferme ou par les jardiniersamateurs, les semencespaysannes ne sont pas stableset homogènes doncautomatiquement excluesdu catalogue officiel. La vente ou l’échange des semences paysannes à des fins commerciales est donc INTERDITE et passible de sanctions juridiques. Mais depuis 2020, les choses bougent ! Après de multiples rebondissements juridiques, et des années de lutte de la part d'acteurs associatifs (Réseau semences paysannes, Kokopelli, etc.), la loi du 11 juin 2020 vient assouplir le cadre juridique encadrant la vente de semences paysannes. Désormais, la vente est autorisée… aux jardiniers amateurs exclusivement, mais autorisée quand même ! Et si les graines appartenaient à tout le monde et étaient accessibles à tous ? C'est l'idée défendue par l'association allemande Agrecol et son initiative Open-Source seeds ou Semences libres de droit.Inspiré d'un modèle issu du web, le système d'open-source, l'association propose, en accès libre, des variétés de tomates, de blés, de pommes de terre, de maïs et de piment.L'objectif : encourager les agriculteurs et artisans semenciers à développer des variétés nouvelles adaptées à leurs besoins et capables de résister aux futurs changements climatiques. S'inspirer des modèles open-source En savoir plus
S'adapter à l'environ- nement local L’agroécologie, c'est quoi ? C'est un ensemble de pratiques destinées à trouver le meilleur équilibre possible entre production agricole et préservation de l’environnement. Cela implique de réduire les intrants chimiques (engrais, produits phytosanitaires, etc.), en utilisant au mieux les services fournis par la nature (eau, soleil, azote de l’air, carbone...). Sans être une solution miracle, l’agroécologie contribue aux grands défis auxquels nos sociétés sont confrontées : préservation de la nature, rémunération juste des producteurs, qualité des aliments, adaptation aux changements Une infographie sur l'agroécologie Comment garantir une alimentation de qualité aux populations humaines tout en respectant la biodiversité et l'environnement ? Si le modèle agricole intensif actuel montre aujourd'hui ses limites en la matière, un modèle alternatif plus proche des besoins du terrain émerge sous le nom d'agroécologie. Au cœur de ce modèle, les semences paysannes sont un allié fondamental : fruit d'une sélection naturelle réalisée par les agriculteurs, ces graines sont plus adaptées au terroir et au climat. Elles permettent ainsi de limiter les produits chimiques dans les champs. Un modèle agricole adapté au terroir La conservation des semences est d'autant plus cruciale qu'elles sont sources de nourriture, bases de traitements médicaux, et socles de biodiversité. Or, la concentration sur le marché des semences a entraîné la disparition de la plupart des petits et moyens semenciers et des variétés végétales : Ces pertes mettent en danger tout l'écosystème naturel et posent la question de la résilience de nos systèmes alimentaires face aux périls que pourrait rencontrer l'humanité : catastrophes naturelles, guerres, changement climatique, etc. Aujourd'hui, 75 %de la biodiversité végétale a déjà disparu et 21 % des espèces végétales sont menacées d’extinction. Des banques pour sauvegarder les graines : Pour préserver les graines de ces menaces, quelques 1 700 banques de graines privées et publiques ont été créées.  Voici les 12 plus importantes : Svalbard Global Seed VaultSvabard, NORGÈVE2008980 000 Leibniz Institute of Plant Genetics and Crop Plant ResearchGatersleben, ALLEMAGNE1943150 000 National Laboratory for Genetic Resources PreservationFort Collins,Colorado, ÉTATS-UNIS1958620 000 Centro Internacional de Mejoramiento de Maiz y TrigoTexcoco, MEXIQUE1963170 000 International Center for Agricultural Research in the Dry AreasAlep, SYRIE1977155 000 Vavilov Institute of Plant IndustrySaint-Pétersbourg, RUSSIE1894325 000 Préserver les graines pour le futur 2 3 1 1 3 2 4 5 6 4 6 7 8 9 10 11 12 5 National Bureau Of Plant Genetic RessourcesNew Delhi, INDE1976400 000 International Crops Research Institute for the Semi-Arid TropicsPatancheru, INDE1972125 000 7 8 National Agrobiodiversity CenterJeo nju, CORÉE DU SUD2004200 000 National Crop Genebank of ChinaPékin, CHINE1986400 000 9 10 International Rice Research InstituteLos Baños, PHILIPPINES1960130 000 National Agriculture and Food Research Organization GenebankTsukuba, JAPON1985225 000 11 12 Dans ces banques, les graines des plantes sauvages ou cultivées sont conservées, souvent sous forme congelée, pour des décennies voire des siècles. Elles sont une copie de sauvegarde de la biodiversité végétale mondiale pour les générations futures. Ce bunker enfoui sous la glace de l'île norvégienne du Spitzberg abrite la plus grosse réserve mondiale de semences. Cette "arche de Noé végétale" creusée à 130 mètres sous terre a pour vocation de conserver les graines de toutes les cultures vivrières de la planète afin d'assurer leur survie en cas de catastrophe. Ces semences viennent des quatre coins du monde (Brésil, Mexique, Zimbabwe, Syrie et même Corée du Nord). Elles peuvent être conservées pendant au moins 200 ans. Focus sur le Svalbard Seed Vault : En 2015, la Réserve mondiale de semences a pour la première fois été mise à contribution : lors du conflit syrien, une banque de graines de l'ICARDA (Centre international de recherche agricole dans les zones arides) a été détruite. Par chance, 90% des graines avaient été envoyées dans la réserve. à l'issue du conflit, l'ICARDA a pu demander à récupérer les graines perdues. En savoir plus
Le saviez-vous ? Les graines que vous plantez dans votre potager n'échappent pas aux règles. Elles sont majoritairement de type hybride F1, homologuées dans le catalogue national et vendues par les multinationales semencières. En France, le marché des graines potagères destinées aux jardiniers amateurs est dominé par Vilmorin, une filiale du géant Limagrain. Mais bonne nouvelle, depuis 2020, les ventes de graines paysannes sont autorisées auprès des jardiniers en herbe. Alors que ce soit dans un coin de son jardin, sur son balcon, ou dans un jardin collectif, on peut contribuer à la sauvegarde de la biodiversité végétale. Pour cela, on peut se fournir en semences paysannes auprès d'associations et de semenciers artisanaux tels que : On cultive son jardin : La ferme Sainte-Marthe La semence Bio Germinance Le Biau Germe Kokopelli Et de notre côté, Au bout du compte, devant l'assiette, il y a nous et la bonne nouvelle c'est que nous avons de nombreux leviers d'action pour soutenir un autre modèle agricole et alimentaire. On peut s’informer, chercher à savoir d’où vient ce que l'on mange, comment cela a été produit et s'approvisionner autrement. Que ce soit pour défendre la biodiversité, protéger notre santé, ou simplement pour le plaisir de bien manger, nous y avons tous intérêt. Si l'on consomme en grande surface, on s'imagine qu'un fruit ou un légume a une taille, un poids, une couleur et un aspect donné. Et lorsque les aliments ne correspondent pas à ces critères, cela attise notre méfiance. La première chose à faire est donc de parvenir à changer de regard sur nos aliments. Cette standardisation n'a rien de naturel, l'agriculture s'est pliée à ces conventions pour des raisons purement logistiques d'approvisionnement de la grande distribution. On change de regard sur notre alimenta-tion : AMAP, circuits courts, fermes ouvertes, marchés de producteurs : en s'approvisionnant auprès de producteurs locaux, on encourage l'agriculture paysanne et la transformation artisanale. On évite ainsi les produits alimentaires importés ou hors saison.Entrer en contact avec les producteurs permet aussi de poser des questions, de connaître les produits, les modes de culture, les choix de variétés. On fait des courses engagées : Attention bio ne veut pas dire paysan : Au supermarché, on pensait opter pour une variété paysanne en achetant de belles tomates cœur de bœuf ou autres légumes estampillés "bio" du rayon, que nenni ! En France, en bio, 95% des fruits et légumes que l'on consomme sont des hybrides F1. En effet, le cahier des charges bio ne porte pas sur les semences, mais sur leur mode de culture.  On peut aussi faire du troc de graines pour partager ses pépites et en découvrir d'autres auprès de passionnés : Graines de troc Graines et plantes Semeur
Des livres pour en prendre de la graine : Un voyage à travers l'histoire des semences, des champs d'antan aux laboratoires d'aujourd'hui. L'ouvrage de Véronique Chable et Gauthier Chapelle replace les semences dans leur contexte historique, scientifique, culturel, socio-économique et politique. Le but du livre est de "connecter chaque citoyen à la semence qui le nourrit, à la personne qui cultive, à celle qui transforme et à celle qui cuisine". La graine de mon assiette, Véronique Chable et Gauthier Chapelle  Apprendre à faire ses propres semences, c'est contribuer à la biodiversité, à la conservation des variétés anciennes, et c'est pas si compliqué. Pour se lancer, voici la "bible" des semences potagères citée par tous les jardiniers et les collectifs de production et d'échanges de graines. Semences potagères, le manuel pour les produire soi-même Andrea Heistinger Voir ici Voir ici Voici une petite sélection de documentaires pour faire toute la lumière sur le monde des graines. et les rouages de l'agro-industrie. On fait le plein d'infor-mations : La guerre des graines de Stenka Quillet et Clément Montfort51 minutes pour comprendre les enjeux des semences et les parties prenantes du rapport de force qui les entoure. Une bonne introduction : Solutions locales pour désordre global, de Coline SerreauDe l'Inde au Brésil, en passant par la France, les experts de la question des semences dévoilent la face cachée de l’agriculture dans le monde, tout en mettant en avant les solutions locales mises en œuvre pour contrer le phénomène. Celui qui donne de l'espoir : Le monde selon Monsanto, de Marie-Monique RobinDurant 3 ans à travers le monde, Marie-Monique Robin enquête sur les pratiques de Monsanto, l'une des entreprises les plus influentes dans le monde des semences et de l'agriculture mais aussi l'une des plus controversées de notre temps. Le docu culte : Cash-investigation : multinationales, hold-up sur nos fruits et légumesDe l'invention de la tomate éternelle en Israël, à la diffusion mondiale d'un blé sans apport nutritif, Elise Lucet et son équipe enquêtent sur le lobby des semenciers et l'appauvrissement de nos aliments au fil du temps. Le plus cash : À voir ici À voir ici À voir ici À voir ici Une série d’infographie QQF réalisée en partenariat avec Sources AFD l Semences paysannes l Cairn l FAO l Euractiv