6 films pour savoir si Hollywood peut sauver (ou pas) les animaux
1. Rio (2011) : cuit pour le cui-cui ?
Le film Rio raconte l’histoire de Blu, un Ara de Spix. Dernier mâle de son espèce, il quitte les États-Unis pour se rendre à Rio de Janeiro et s’accoupler avec la dernière femelle. Domestiqué, Blu a perdu tout instinct animal et ne sait pas comment voler, une aptitude qui lui sera pourtant nécessaire pour échapper aux braconniers avides. Le film dépeint une dure réalité : à l’état sauvage, l’Ara de Spix est considéré éteint depuis la fin des années 90, victime du trafic illégal et de leur capture intensive. Malgré les tentatives du gouvernement pour les protéger, on les retrouve uniquement dans des zoos, des sites de conservation ou illégalement chez de riches particuliers. Le film dénonce le braconnage intensif et soulève des questions liées à la conservation d’espèces par la reproduction en captivité.
2. Happy Feet (2006) : pionnier de la crise du plastique
Le film raconte l’histoire de Mumble, un manchot qui chante faux, mais qui ne pourra trouver l’âme sœur que le jour où il saura pousser son "chant d’amour". Sur un air de comédie musicale, le film a pour décor l’Antarctique, un environnement de plus en plus affecté par le changement climatique, et dénonce la pollution plastique des océans et les ravages de la surpêche sur la biodiversité. Une alerte en avance sur son temps, car en 2006, le sujet était encore loin de faire les grands titres de l’actualité.
3. Le Livre de la Jungle (version 2016) : une mobilisation qui a porté fruit
Le remake du dessin animé de Disney fait brièvement figurer un animal unique en son genre : le pangolin. Dans le film, l’ours Baloo s’adresse au pangolin pour rappeler aux spectateurs la situation critique dans laquelle son espèce se trouve : "il n’y a pas une espèce plus menacée que toi". Chassé et acheté illégalement au prix fort pour des croyances thérapeutiques ou aphrodisiaques, le pangolin a été désigné comme étant le "mammifère le plus braconné au monde". Un titre dont il se serait bien passé. Depuis 2016, le pangolin figure dans l’annexe I de la Cites qui interdit tout commerce international des espèces menacées d’extinction.
Le film a donc de quoi faire espérer que de vraies mesures soient enfin prises pour sauvegarder l’espèce. Mais avant ça, le chemin aura été long. Plusieurs pétitions avaient demandé à Disney de faire de l’animal le héros d’un film. Grâce au zoo de Los Angeles, ce sera chose faite. L’équipe du zoo a approché le réalisateur du Livre de la Jungle, Jon Favreau, qui ignorait alors tout de la situation. C’est lui qui convaincra par la suite Disney de faire des peluches et figurines du personnage pangolin pour sensibiliser le grand public au sort de l’espèce.
4. Sauvez Willy (1993) : les delphinariums dans le collimateur
Le film retrace l’amitié d’un préadolescent rebelle et d’une orque mâle, Willy, capturée puis vendue à un delphinarium. Énorme succès pour ce film, qui dépasse toutes les attentes. Willy est devenue une vraie star, les producteurs ont empoché 2 millions de dollars et ne pensent qu’à faire une suite… Mais c’est sans compter un reportage du magazine Life qui s’intéresse de près à la vie de Keiko (le vrai nom de l’orque du film).
Malheureusement, ses conditions de captivité sont bien loin de celle du héro qu’il incarne : eau trop chaude, bassin trop petit, ou encore mauvaise hygiène, qui mettent la vie de l’animal en danger.
C’est à cette période que va être créée la Fondation Free Willy pour demander la remise en liberté de l’orque, accompagnée d’un élan de solidarité. L’orque est dorénavant connu sur toute la planète et le scénario de Sauvez Willy imaginé pour le cinéma devient réalité : Sauvez Keiko ! Des dizaines de milliers de lettres contenant des messages d’enfants, des dessins et de l’argent sont envoyés. L’animal est envoyé en Islande pour tenter de le rendre à la vie sauvage. S’en suit un long programme de réhabilitation qui se soldera par un semi-échec. Moralité de cette histoire : un animal sauvage capturé par l’homme, c’est à coup sûr un traumatisme physique et psychologique à vie qu’aucun animal ne mérite. Même pour le meilleur blockbuster !
5. Les Dents de la Mer (1975) : si Spielberg avait su, il se serait peut-être abstenu ?
Le film est considéré comme LE premier Blockbuster, avec pour super-méchant, un requin blanc monstrueux, sanguinaire, et revanchard. En réalité, seules trois espèces de requins sont essentiellement impliquées dans des attaques -rares- contre l’Homme : le grand requin blanc, le requin tigre, et le requin bouledogue. La plupart des espèces de requin ont, sinon, mieux à faire que de s’en prendre aux nageurs et préfèrent s’occuper de leurs progénitures. Les Dents de la Mer est en partie responsable de la mauvaise réputation qu’ont les requins depuis et a participé au rapide déclin de leur nombre. À la sortie du film, les plages américaines étaient complétement désertées, les vacanciers ayant peur de se faire croquer les jambes pendant la baignade. Selon George Burgess, directeur du centre de recherche des requins en Floride, les pêcheurs de la côte Est organisaient même des concours pour chasser le squale. Aujourd’hui, les requins sont considérés comme très menacés et sont victimes de braconniers les tuant notamment pour leurs ailerons dont les chinois raffolent en soupe.
On ne fera pas reposer toute la responsabilité sur les épaules de Spielberg, mais on retiendra que les rôles des animaux ne se donnent pas au hasard !
6.Le monde de Nemo (2003) et Dory (2016) : pas vraiment le résultat espéré
Ah Nemo, charmant poisson-clown intrépide et fugueur. Tandis que son père remuait sable et coraux pour le retrouver, l’adolescent tentait de s’échapper de la terrible prison, c’est-à-dire l’aquarium dans lequel il avait échoué. Mais pas sûr que tout le monde ait compris le message… À la sortie du film, la demande en poissons clowns a explosé dans les animaleries (estimée à +30%) ! Lors de la sortie du film en l’honneur de Dory, des ONG se sont fait entendre pour tenter d’enrayer un nouvel effet Nemo, mais cette fois ci avec les poissons chirurgiens. Car pour pêcher les poissons destinés à satisfaire la demande en aquariophilie, on pratique souvent la pêche au cyanure, désastreuse pour l’environnement. Une pratique illégale, mais qui est toujours en vogue en Indonésie et aux Philippines.
[Lire notre infographie sur la surpêche]
Hollywood, sauveur des animaux ? C'est beaucoup demandé à une industrie centrée sur le divertissement. Mais une chose est sûre : son rayonnement mondial peut être un véritable outil de sensibilisation de masse ... A déployer, évidemment, avec précaution.
* (vol.32, n°3, juin 2018)