Un clic pour changer le monde ?
Plaider pour une ou plusieurs cause(s) en signant des pétitions en ligne, c’est le choix fait par de nombreux citoyens. On l’a vu avec le mouvement des Gilets jaunes, prendre de son énergie et de son temps ne paraît plus inutile pour faire bouger les choses. Les pétitions permettent « de donner à chacun le pouvoir de créer le changement qu’il souhaite voir » formule Sarah Durieux, une des responsables de la plateforme de pétition en ligne change.org. Si on entend beaucoup parler de crise de la démocratie, des actions comme les pétitions semblent avoir largement remplacé le vote comme expression d’une parole citoyenne. Mais est-ce que ça marche ? Alors que des centaines tombent rapidement dans l’oubli, d’autres ont eu un véritable impact sur les politiques publiques. Retour sur des pétitions qui se sont fait une place dans les discussions politiques.
« Halte à la destruction des fonds marins »
Bloom, l’association française de protection des océans, appelle en 2013 à interdire la pratique du chalutage en eaux profondes. La méthode de pêche, considérée comme particulièrement dévastatrice, a tardé à être interdite. Hourra pour les 900 563 signataires de la pétition, elle l'est officiellement en Union Européenne depuis le 30 juin 2016. Cette victoire, Bloom la doit beaucoup à Pénélope Bagieu, touchée par la cause, qui a mis à profit sa notoriété à des fins militantes. Sur son blog BD Ma vie est tout à fait fascinante, elle consacre une planche et met en images les données recueillies dans la conférence TEDx de Claire Nouvian (fondatrice et directrice de Bloom), diffusée quelques mois auparavant. Une prise de parole fructueuse, qui a donné un sacré coup de pouce à un sujet porté par Bloom pendant près de 10 ans.
« Loi travail : Non merci ! »
Résultat en demi-teinte. Lancée en février 2016, elle appelle le gouvernement à renoncer à son projet de réforme du code du travail. Elle est alors l'une des pétitions les plus soutenues en France et donne naissance au mouvement Nuit Debout (11 mobilisations en 4 mois). Certaines mesures du projet de loi ont certes été abandonnées, mais à coups de 49.3 : la loi est adoptée. On peut dire que les conséquences ne sont pas à la hauteur de l’engouement. De quoi en décourager plus d’un.
« François Hollande, accordez la grâce présidentielle à Jacqueline Sauvage »
13 août 2016, la libération conditionnelle est refusée à Jacqueline Sauvage, coupable d’avoir tué son mari à coup de fusil. Mais pour l’opinion publique, l’histoire de cette sexagénaire fait basculer son statut de coupable à celui de victime. Jacqueline Sauvage devient le symbole des femmes battues. Une pétition est lancée et rassemble une multitude de signatures rapidement. Elle fait du bruit, trouble l’opinion publique et engrange d’autres actions, comme des manifestations. Moins de deux mois après la mobilisation générée par la pétition, François Hollande accorde la grâce présidentielle à Jacqueline Sauvage. Ouf ! Enfin, un exemple qui nous dit que c’est possible.
« L’Affaire du siècle »
On ne peut pas parler de pétition sans la citer : 2,1 millions de signataires en un mois, du jamais vu ! Cette campagne, lancée au début de l’année 2019 par quatre associations vise à convaincre les citoyens de la nécessité de poursuivre en justice l’État français en raison de son inaction en matière de lutte contre le dérèglement climatique. Elle fait écho à la victoire de Urgenda en appel contre le gouvernement des Pays-Bas. La Cour a confirmé que l’État hollandais devait mettre les bouchées doubles pour agir contre le dérèglement climatique, (on en parle ici).
Face à l'engouement suscité par cette campagne, le Ministère de la Transition écologique et solidaire s'est vu obligé de s'expliquer face aux citoyens. Il a notamment publié un document qui rejette l'accusation portée par l'Affaire du siècle de "carence fautive" de l'Etat français et liste les actions de celui-ci dans le combat écologique. Ce mouvement fait confiance au pouvoir judiciaire pour taper du poing sur la table et obliger l’État à ne plus déroger à sa mission. L’instruction du dossier devrait durer un an ou deux. Affaire à suivre.
« Le clic est souvent la première étape vers une manif hors-ligne »
Comment expliquer la réussite de certains sujets plutôt que d'autres ? Les sujets moraux et environnementaux sont-ils plus faciles à défendre auprès des dirigeants que les sujets économiques ? On peut l'imaginer. Une chose est certaine et les porteurs de pétitions l'ont bien compris : quelle que soit la revendication, pour que cela marche, il faut de la VISIBILITE. Ici, deux options sont possibles pour attiser les foules et émerger dans les médias : arriver à rassembler un très grand nombre de signataires qui participent au partage de la cause qu'ils défendent ou être soutenu par des personnalités publiques. Sauf que là encore, pas de recette miracle.
Soyons lucides, toutes les pétitions ne débouchent pas sur des succès, mais cela ne veut pas dire qu’elles n’aboutissent jamais à quelque chose de concret. Toutes les initiatives se complètent et renforcent les autres actions menées en parallèle, chacune apportant sa pierre à l’édifice. Les pétitions, relayées facilement, jouent un rôle viral et (re)mettent sur le tapis des causes oubliées, ou méprisées. Elles permettent de faire émerger des communautés qui s’intéressent à ces sujets, qui pourront par la suite organiser d’autres actions. « Le clic est souvent la première étape vers une manif hors-ligne » rappelle Sarah Durieux. Une telle mobilisation (on parle souvent de plusieurs milliers de personnes) est un potentiel moyen de pression sur les organisations concernées (États, institutions ou entreprises). Dans les meilleurs cas, les signataires ne s’arrêtent pas au clic et mettent en place des mobilisations physiques. Inspirant, non ? Et si on rejoignait le mouvement ?
- On fouille de temps en temps les plateformes en ligne de pétitions comme change.org, avaaz.org, mais aussi la plateforme française citizaction.fr qui offre un accompagnement du citoyen pour chaque étape de l’élaboration de son projet.
- On fait attention : c’est comme quand on signe un papier pour de vrai, on regarde toujours ce qu’on signe et les conséquences que ça peut avoir (la collecte des données personnelles, c’est pas nouveau).
- On écoute le podcast de France Culture pour découvrir les coulisses de ces plateformes en ligne.
Pour aller plus loin :
- On arrête d’esquiver les recruteurs de donateurs… (en tout cas on se penche sur les causes des associations, et pourquoi pas s’engager dans l’une d’elles !)