Et si on transformait les data en eau chaude ?

DATA RECYCLÉE
Et si on transformait les data en eau chaude ? sur Qu'est-ce qu'on fait
Avec ses serveurs informatiques transformés en chaudière, Stimergy ouvre une voie de recyclage vertueux en proposant une utilisation énergétique des données numériques qui ne chauffent plus pour rien.

Christophe Perron serait-il un bienfaiteur de l'humanité encore inconnu ? Âgé de quarante ans, ce start-upper originaire de Lyon a en tout cas mis au point un produit qui répond à une grosse problématique en ces temps de réchauffement climatique : la consommation énergétique de nos données numériques. Ces data qui s'accumulent pour nous offrir un streaming sans contrainte et des applications qui tournent à plein régime. De quoi faire grimper la température des serveurs destinés à les héberger. Résultat, de 30 à 60 % de l'électricité déjà consommée par ces serveurs vient généralement alourdir leur bilan énergétique avec la climatisation et les systèmes de refroidissement nécessaires pour éviter la surchauffe. « Je m'en suis rendu compte en découvrant la chaleur énorme que diffusa en quelques minutes le serveur de la société où je travaillais suite à une panne de clim', se rappelle Christophe. J'ai voulu trouver une solution. »

« J'ai placé chez moi un serveur dans un bac d'huile et ai observé qu'elle chauffait, de même que l'eau qui se trouvait à côté grâce à la conduction »

Les data pour chauffer l'eau

Lui vint alors une idée toute simple : récupérer la chaleur pour s'en servir. « J'ai placé chez moi un serveur dans un bac d'huile et ai observé qu'elle chauffait, de même que l'eau qui se trouvait à côté grâce à la conduction », raconte notre homme. Concluante, l'expérience l'incite à créer une société, Stimergy, en vue de réaliser un second prototype. En juin 2013, il l'installe chez son premier client, un bailleur social de l'agglomération grenobloise. Dans la chaufferie d'un immeuble de ce dernier prend place un serveur informatique intégré à une chaudière dite numérique. Elle fonctionne immédiatement, avec un rendement de 95 %. La quasi-totalité de la chaleur émanant du serveur est ainsi recyclée. Plus besoin de climatisation pour refroidir la data qui apporte l'énergie permettant de mettre à température l'eau chaude utilisée dans l'immeuble. Presque une martingale écologique. Depuis lors, Stimergy a installé une vingtaine de ses chaudières, un peu partout en France, notamment à la piscine de la Butte-aux-Cailles à Paris. Seulement 10 à 15 % des besoins de chauffage proviennent de ce système, en raison des spécificités d'une piscine dont la consommation est très variable. Les data n'étant pas extensibles au fil de la journée, elles ne peuvent fournir que le volume dit talon, correspondant aux heures les plus creuses. Mais dans un immeuble, plus de 60 % de l'eau utilisée peut être chauffée par un serveur.

Pourquoi la valorisation énergétique des data n'est-elle pas si courante ?

Face à un concept tellement en phase avec l'époque, on peut se demander pourquoi Christophe Perron n'est pas encore milliardaire. Parce qu'il est le premier à recycler ainsi les data ? « Non, d'autres ont déjà entrepris de valoriser leur chaleur avec des radiateurs, précise-t-il. Mais ils ne sont utiles que six mois par an alors qu'on a toujours besoin d'eau chaude. Et ça, je suis le premier à le proposer. » Qu'attendent alors les clients, à savoir des sociétés à grosse consommation numérique, pour se ruer chez Stimergy ? « Les data center fonctionnent bien et les décideurs ne voient pas encore l'intérêt d'une solution alternative, remarque Christophe. Par ailleurs, si nous avons obtenu l'année dernière le marquage CE (ndlr : la norme européenne) pour la chaudière, ce n'est pas encore le cas pour l'hébergement de data et cela peut freiner des gros groupes. »

Des concurrents seraient finalement bienvenus pour aider à faire avancer dans les instances européennes comme dans la clientèle, sa logique du réseau de petits data centers, alors que domine encore celle des grands data center. Multiplier les installations dans les chaufferies d'immeuble présenterait pourtant de nombreux avantages. Reste qu'avant d'obtenir la reconnaissance, voire d'être emporté vers les sommets du succès, Stimergy doit maintenant trouver son équilibre en disposant d'assez de données pour pouvoir bien chauffer. Il lui en manque encore, ce qui ne permet pas d'atteindre à la Butte aux Cailles l'objectif de 20 % avec l'eau de la piscine. Avis à ceux qui souhaitent stocker de la data en la rendant utile.

On héberge utile ?
Direction le site de Stimergy pour voir si ses services ne permettraient pas à votre entreprise de conserver ses données en chauffant son prochain. Une bonne action fait toujours du bien.

Small center is beautiful :
Bien que la tendance soit au méga data center, on réfléchit à l'alternative de la chaufferie en notant d'abord que le coût d'installation au kW est de 20 à 50% moins cher que dans un entrepôt. Les opportunités d'accueil sont innombrables, avec toujours des besoins en eau chaude. Évidemment, on stockera beaucoup moins de données, mais quelques semaines suffisent pour l'installation alors qu'elle prendra des mois, voire des années dans un grand data center. N'oublions pas non plus, que seront intéressés des artisans et des acteurs locaux, ce qui change des multinationales. À l'heure des circuits courts, les small centers apparaissent en fait plus opportuns. D’autant plus que ce sont les seuls capables de fournir de l'énergie sans se contenter d'en dépenser.

On veut quand même refroidir ?
Pour éviter la surchauffe dans les data centers, il n'y a pas trente-six solutions : il faut faire de l'air, ventiler, climatiser. Alors, pour limiter au maximum la dépense en refroidissement, les géants du numérique sont partis héberger dans le Grand Nord, ouvrant leurs entrepôts à l'air frais pour présenter des PUE (Power Usage Efficiency) attractifs. On appelle ça le free cooling. D'autres prennent l'option de vous verdir un peu le tableau en revendiquant l'utilisation d'énergie renouvelable pour la clim'. De l'énergie qui s'envole quand même, alors que si on n'en consommait pas et qu'en plus on pouvait se chauffer... Ne verrait-onu pas cela comme bienfaiteur ?

À ne pas oublier : 
D'un point de vue environnemental, la meilleure data est celle qui n'existe pas. Certes, par les temps qui courent, on voit difficilement comment ne pas en avoir à stocker. Mais qu'elle finisse par chauffer une piscine ou prenne l'air aux confins de l'Arctique, essayons autant que possible de nous en passer. Le must écologique restera toujours la frugalité.

 

Brice Perrier
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