Les réseaux sociaux, ceinture de chasteté ?

SEXUALITÉ ADOLESCENTE
Les réseaux sociaux, ceinture de chasteté ? sur Qu'est-ce qu'on fait
Facebook, Instagram ou encore Snapchat saperaient la libido des ados et désacraliseraient le rapport à la nudité.

Selon une très sérieuse étude publiée en mai dernier menée par l’University College de Londres, menée auprès de 16 000 personnes, la génération Z (née dans les années 2000) attendrait plus longtemps que celle de ses parents pour avoir ses premiers rapports sexuels. Ce ne sont pas les premiers à faire ce constat. Une autre menée par l’Université de San Diego indique que, dans les années 70 et 80, les jeunes de la vingtaine avaient en moyenne connu 11 partenaires sexuels différents, quand aujourd’hui ils n’en ont connu " que" 8. Un rapport du Center For Diseases Control américain indiquait également que le nombre de jeunes de 15 à 19 ans ayant déjà eu des rapports sexuels était en baisse. En France, pas encore d’études similaires, mais Fabienne Kramer, psychanalyste et autrice de Solo/No Solo, une enquête sur la sexualité de la génération Y, résume : " Nous souffrons tous, Y comme Z, d’une panne de désir ".

Peur de l’intimité

Pourquoi ? " Une peur de l’intimité et les pressions exercées par les réseaux sociaux sont responsables d’une augmentation du nombre de jeunes pratiquant l’abstinence sexuelle", écrivent les auteurs de l’étude de l’université de Londres. Comment les réseaux sociaux peuvent-ils saper la libido des ados ? Sont-ils tétanisés par la perspective d’un revenge porn, d’un partage d’une photo olé olé, d’un screenshot intempestif d’un snapchat privé ? " Bien sûr, que si cela se produit, l’événement est traumatisant, répond Samuel Dock, psychologue, auteur de Punchlines, des ados chez le psy. Mais bien plus que nous le pensons, les adolescents connaissent leurs limites et s’adaptent aux nouveaux outils ". En clair, rigole Téa, 19 ans, vivant à Cannes, " il ne faut jamais montrer sa tête sur les photos ". Pour Coline, même âge, étudiante en droit à Paris, le partage de photos a même "désacralisé (son) rapport à la nudité. Pourquoi avoir honte, même si une photo est leakée ? C’est mon corps, c’est tout." Bravo Coline.

Les jeunes de la génération Z n’auraient donc pas peur de sextoter. C’est à l’heure du passage à l’acte que cela se corse. " Je passe peut-être une à deux heures pas jour sur Tinder, mais je ne date jamais", confie Timothée, 17 ans, qui a déjà couché, mais "vite fait", quoi que cela veuille dire. "J’essaie de dire le plus de trucs absurdes et après je partage si les conversations sont drôles. Je suis dans un groupe privé sur Facebook et c’est un peu la compet’ pour avoir les posts les plus drôles ".

"Les jeunes font de moins en moins l’amour, parce que c’est toute notre civilisation que les réseaux sociaux sont en train de ruiner"

Flatterie du « Like »

Joe Edelman est philosophe et est à l’origine avec Tristan Harris, ex-Google, de TimeWellSpent, mouvement qui réunit d’ex-acteurs de la Tech pour dénoncer les dérives des réseaux sociaux. Il n’est pas surpris par Timothée. " Nous avons l’image d’une jeunesse dévergondée qui passerait son temps à enchaîner les coups d’un soir via Tinder ou autre, mais c’est l’inverse. Les jeunes font de moins en moins l’amour, parce que c’est toute notre civilisation que les réseaux sociaux sont en train de ruiner, en captant encore et encore et encore notre attention". Préfèrerait-on ainsi aujourd’hui la douceur d’un like venant flatter notre ego à celle d’une autre peau contre la nôtre ? De quoi donner raison aux sombres prévisions de Friedrich Nietzsche, qui, à la fin du XVIIe siècle déjà, annonçait la disparition de l’amour, tant nous serions devenus obsédés par nos masques sociaux et nos désirs de les maintenir intacts… Je pense, donc je ne suis plus que mon profil Facebook. Reste que si les petits Z se cramponnent à leur narcissisme via les réseaux sociaux, ce n’est pas parce qu’ils sont moins ouverts que ne l’étaient les autres générations, estime Samuel Dock. C’est parce qu’on ne leur pas a fait de cadeau. " Pour pouvoir aller vers un rapport sexuel, il faut être à l’aise avec son corps, son esprit, pour avoir la force de s’élancer face à l’étrangeté de l’autre. C’est toujours un risque. Or, l’avenir est très incertain pour les jeunes aujourd’hui. Très concrètement, il suffit de voir la dose d’anxiété induite par Parcoursup, par exemple, et l’anxiété pousse au renfermement sur soi. " Ce sont bien les algorithmes qui nous poussent à garder nos culottes alors, mais pas forcément ceux que l’on croyait.

Judith Duportail
Illustrations : Cécile Dormeau
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