Ces 4 aliments voyagent plus que nous !
Le miel
Substance aux mille vertus, le miel est très apprécié des Français. Winnie l’ourson peut se rhabiller, on en déguste 40 000 tonnes par an.
Parce que les apiculteurs français ne produisent qu’1/4 de notre miel, et que les abeilles ont la vie dure, on va dégoter ce nectar à des milliers de kilomètres : la Chine est notre premier fournisseur avec 7 200 tonnes. Elle est suivie par l'Espagne (6 000 t), l'Ukraine (3 300 t) et l'Allemagne (2 840 t).
Cependant, le miel importé d'Ukraine, d'Espagne ou d'ailleurs pourrait bien provenir de Chine. Passant entre les mains de plusieurs négociants européens et bénéficiant d’une réglementation européenne assez lâche, il est très difficile de déterminer son origine.
30% du miel vendu en Europe proviendrait de Chine.
Le truc qui ne colle pas :
En dix ans, les exportations de miel chinois ont bondi de + 55% alors que le nombre de ruches n’a augmenté que de 13%... c’est louche. L’explication : certains miels chinois sont reconstitués à partir de sirops de maïs ou de riz avec des pollens. Un savant mélange qui résiste aux détections de fraudes. Seul 15% du miel chinois correspondrait à notre définition du miel : une substance à 100% élaborée par des abeilles à partir du nectar des fleurs. La contrefaçon ne concerne pas que les sacs Vuitton.
- Si on achète en magasin, on regarde bien les étiquettes : « provenance UE et non UE », on laisse tomber. Il est impossible de savoir d’où viennent véritablement les miels mélangés ensemble.
- On se tourne plutôt vers les miels d’origines florales à l’indication géographique précise. Les fraudes sont possibles sur ce type de miel mais plus difficiles à cacher.
- Encore mieux, on s’approvisionne directement auprès des producteurs pour déguster du miel artisanal.
L'avocat
Roi de nos toasts, salades, et feed Instagram (#avocadoLove), la consommation d’avocat a explosé en quelques petites années : + 220 % entre 2008 et 2018 en Europe.
La France est aujourd'hui le premier pays consommateur d'avocats en Europe.
Les principaux fournisseurs de la France sont le Pérou (13%), le Kenya (8,2%), l’Afrique du Sud (7,6%), le Chili (6,8%), le Mexique (4,6%) et la République Dominicaine (1,1%) : des destinations de rêve mais un bon poids carbone à la clef.
Une ruée sur l'avocat qui se défend mal :
Au Mexique, premier producteur mondial d’avocats, le fruit rapporte plus d'un milliard de dollars par an. Dans la province du Michoacán où sont produits 1/3 des avocats du monde, le crime organisé réclame sa part du gateau. Entre menaces et racket, les cartels font pression sur les producteurs.
Cet « or vert » a également un grand impact environnemental : il provoque une déforestation massive. Nombre de forêts de pins sont déboisées - parfois illégalement - pour faire pousser toujours plus d’avocatiers.
Sa production requiert beaucoup d’eau, il faut compter 1000 litres pour 2 avocats et demi. Sans parler de l'utilisation massive de pesticides pour soutenir la production.
- Idéalement, il faudrait réduire notre consommation d’avocats. Si on est en manque, on privilégie ceux issus de l’agriculture biologique produits en Europe (c’est toujours moins loin). On trouve des avocats d’Espagne, d’Italie et même de Corse.
- Pour le fameux guacamole, on trouve des alternatives. En voici deux, testées par la rédaction, et plutôt convaincantes :
Le guacamole d’asperges vertes au chèvre frais.
Le brocomole, explication dans cette super vidéo.
Le quinoa
Graine favorite des foodistas, le quinoa connaît un succès fou depuis que l’ONU l’a nommé graine de l’année en 2013 : hyper protéinée, elle permettrait de nourrir l’humanité tout en faisant face au changement climatique. En France, nous en consommons près de 3 000 tonnes chaque année.
Nous sommes le deuxième pays importateur de cette graine.
Bolivivra pas de l'exportation du quinoa :
Berceau du quinoa depuis + de 5000 ans, la Bolivie en est le plus grand producteur au monde. Entre 2012 et 2014, sous l’effet du coup de pub de l’ONU, les exportations de quinoa bolivien augmentent de plus de 260 %. La graine se vend alors à prix d’or, les revenus des agriculteurs boliviens montent en flèche, mais les locaux ne peuvent plus s’offrir cet aliment de base.
Flairant l’aubaine, 90 autres pays et en particulier leurs voisins péruviens, investissent massivement dans les plantations de quinoa. Résultat : dès 2014, l'offre dépasse largement la demande mondiale entraînant une chute drastique du prix de la graine. Fin de la success story, les producteurs boliviens doivent alors vendre leurs stocks à perte. Une bonne illustration des dérèglements qu’entraînent les tendances alimentaires mondialisées.
Pour ne pas encourager la production intensive à des milliers de kilomètres de notre assiette, on peut se tourner vers nos productions locales de céréales :
- le quinoa d'Anjou : comme le climat y est adapté, quelques agriculteurs ont fait le pari de lancer la filière il y a 10 ans (pour en savoir plus),
- le riz de Camargue,
- le blé tendre (1ère céréale française),
- l’orge perlé (c’est la 3ème céréale la plus cultivée en France après le blé et le maïs),
- l’épeautre (on en mangeait déjà au temps des Gaulois).
La tomate concentrée
Soutenue - entre autre - par la diffusion de la gastronomie italienne à l'échelle planétaire, la tomate se déguste à toutes les sauces. Elle est le légume (ou fruit, on ne sait jamais) le plus consommé de France avec 15kg de tomates fraîches et 18 kg de tomates transformées par habitant. Si l’Italie (39%) et l’Espagne (31%) sont nos principaux pourvoyeurs de tomates fraîches, il est difficile de savoir d’où vient la tomate industrielle, celle des ketchups, sauces et autres plats transformés à base de tomate.
Petit indice :
La Chine est ler exportateur mondial de tomates transformées
alors que les chinois n'en consomment pas ou peu.
La sauce qui fait tache :
Dans les champs du Xinjiang, les tomates sont récoltées par des prisonniers et des populations pauvres : hommes, femmes et enfants ramassent des sacs de tomates couvertes de pesticides pour un salaire de misère.
Pour épaissir la sauce tomate et faire baisser les coûts de fabrication, des additifs tels que de la fibre de soja et du sucre de malt sont ajoutés à la sauce tomate. Certains concentrés chinois peuvent contenir jusqu’à 55 % d’additifs.
Comme nombres des barils de sauce sont réétiquetés en Italie, impossible d’identifier leur origine à l’achat.
- On évite d’acheter des plats industriels à base de tomate et des sauces en conserves.
- On cuisine sa propre sauce avec des tomates fraîches. Certes, c’est plus long mais c’est le régal assuré. Eleonora partage sa recette ici.
- On découvre l’enquête menée par Jean-Baptiste Mallet pour remonter toute la filière de la tomate industrielle. De l’Italie à la Chine en passant pas la Californie et le Ghana, L’Empire de l’or rouge relate le récit du capitalisme mondialisé à travers un produit emblématique, la tomate. Edifiant ! L'Empire de l'or rouge : enquête mondiale sur la tomate d'industrie, Jean-Baptiste Mallet, Éd. Fayard et en documentaire à voir ici.