Comment nourrir les villes en circuits courts ?

AGRICULTURE URBAINE
Comment nourrir les villes en circuits courts ? sur Qu'est-ce qu'on fait
Que mangerait-t-on demain à Paris si l'on était tout à coup obligé de devenir locavore ? De la salade. C'est tout ? Oui, ou presque.

L'Ile-de-France n'est autosuffisante qu'en laitue nous apprenait une enquête de Terra eco publiée pour l'Ademe en 2012. Pour le reste, elle dépend largement de l'extérieur : 74% de ses pommes de terre ou 88% de ses œufs par exemple sont importés des autres régions ou de l'étranger. En moyenne, un aliment consommé en région parisienne a parcouru 662 km avant d'arriver dans votre assiette.

En moyenne, un aliment consommé en région parisienne a parcouru 662 km avant d'arriver dans votre assiette.

Est-ce grave, docteur Local ? Ce n'est en tout cas pas totalement nouveau. L'excellent livre Ville affamée : comment l'alimentation façonne nos vies publié en 2016 nous le rappelle. L'autrice, l'architecte Carolyn Steel, détaille : « Il pourrait être tentant de regretter le temps jadis où tous les aliments étaient produits et consommés localement (…). Mais cet âge d’or n’a jamais existé. Si les petites villes du monde préindustriel ont pu se nourrir localement, les cités plus importantes ont dès le départ fait tourner le compteur des kilomètres alimentaires ».

Selon elle, on peut dresser la liste des villes « mortes d’avoir trop mangé » : les multiples conquêtes de l'Empire romain avaient entre autres pour but de nourrir Rome Constantinople qui selon l’historien Fernand Braudel, avait besoin de « tous les troupeaux de moutons disponibles des Balkans, le riz, les fèves, le blé d’Égypte ; le blé, le bois de la mer Noire ; les bœufs, les chameaux, les chevaux d’Asie Mineure ». Plus récemment, elle mentionne les Grandes plaines américaines – surexploitées pour nourrir les grandes villes – dont les centaines de milliers d’agriculteurs ont dû fuir dans les années 1930.

Comment éviter un sort à la romaine ?

  • On peut commencer par se souvenir de ce qui a bien fonctionné dans nos villes. Ainsi, au XIXe siècle, Paris intra-muros comptait encore des centaines de maraîchers qui réalisaient des prouesses sur plus de 1 800 hectares. Des étudiants d'Agrocampus-Ouest ont imaginé en 2012 comment l'agriculture urbaine et locale pourrait nourrir entièrement la métropole rennaise. Ils ont pensé une couronne verte cultivée de 6,3 km de large autour de l’agglomération, mais aussi la mise en culture via des plates-bandes maraîchères de la moitié des jardins, squares et toits. Et ce n'est pas tout. Il faudrait aussi, disent-ils, réduire énormément le gaspillage alimentaire et manger deux fois moins de viande.

Voilà pour la théorie. Qui ne séduit pas tout le monde. Ainsi, le directeur général d'InVivo, propriétaire notamment des jardineries Gamm Vert et Jardiland, lançait récemment lors d'un colloque : «Ce n’est pas avec des fermes urbaines que l’on va nourrir des villes comme Paris.» Dans ce cas, passons à la pratique et aux exemples qui marchent déjà.

  • C'est ce qu'a fait l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région Île-de-France (IAU Île-de-France) en listant tout ce qui marche sur le sujet dans la région dans Une métropole à ma table. Ce livre cite ceux qui innovent pour valoriser les circuits courts, comme le supermarché coopératif La Louve, mais aussi les 800 exploitations franciliennes qui pratiquent avec succès les circuits courts, ou encore les grands chefs, comme Yannick Alléno, qui cuisinent pour des produits issus du terroir francilien pour les mettre en valeur et les faire redécouvrir. À sa table, de la menthe poivrée de Milly-la-Forêt, de la pêche de Montreuil, de l’épinard de Viroflay ou encore de la cerise de Montmorency.

  • Depuis la sortie de ce livre, beaucoup de choses ont encore avancé. Le label «  Mangeons Local en Île-de-France » regroupe plus de 850 professionnels de l'alimentation, de l'éleveur au food truck. Des potagers sur les toits font maintenant figure de modèle dans le monde entier, comme celui de Facteur graines dans le 18e arrondissement. Plus loin de Paris, on pourra citer par exemple les étudiants du Royal College of Art de Londres, qui ont conçu un poulailler urbain nommé Eglu en 2004. Des dizaines de milliers d'exemplaires ont été vendues, et plus de 500 000 Britanniques élèvent maintenant des poules. On est encore loin de pouvoir manger 100% local dans nos villes. Mais, mises bout à bout, ces initiatives montrent que l'on peut réconcilier urbanisation et nourriture durable.
Thibaut Schepman
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