Bio de supermarché : les carottes sont cuites

ALIMENTATION BIOLOGIQUE
Bio de supermarché : les carottes sont cuites sur Qu'est-ce qu'on fait
Nous sommes à l'aube d'un monde meilleur. Preuve en est de l'explosion des produits bios, soit 17% de croissance en 2017 par rapport à 2016. Une révolution dans l'alimentation des Français. Et un juteux marché de 8,3 milliards d'euros annuels… qui profite avant tout, paradoxalement, aux grandes et moyennes surfaces. Tombé dans l'escarcelle des gros distributeurs, le bio peut-il garder les mains propres ?

D’après une étude de l’Observatoire Société et Consommation, 82 % des Français déclarent avoir renforcé l’attention portée à leur alimentation depuis trois ans. Le bio est la solution fourre-tout à nos aspirations, les grands distributeurs l’ont bien compris. Aujourd’hui, 46% des produits bios sont achetés en grandes et moyennes surfaces et la plupart des distributeurs possèdent leur sous-marque bio. C’est même un relai de croissance incontournable, qui représente 1,2 milliard de chiffre d'affaires pour le leader Carrefour Bio en 2017, qui compte bien doubler ce chiffre d'ici 2022. Ce revirement de situation serait donc une bonne nouvelle à la fois pour les 32 000 agriculteurs bio français et pour nous, consommateurs. Sauf que…

Course à la productivité

Le bio en supermarché est d'abord synonyme d'incohérences : le calibrage des fruits et légumes ou encore le suremballage, mais c’est surtout une course à la productivité et à la compétitivité. Seul point de repère, le label AB qui atteste du respect de la réglementation européenne mise en place en 2007 en matière d’agriculture biologique. Il garantit une obligation de moyens –usage de produits chimiques et d’OGM interdits– mais pas de résultats. C’est ainsi que les produits bios peuvent malgré tout contenir jusqu’à 4,99 % d’ingrédients non biologiques et des OGM « accidentels » autorisés à hauteur de 0,9 %. Selon Ecocert, le principal certificateur de l’agriculture bio en France, environ 10% des produits sont déclassés tous les ans, la fraude volontaire n’intervenant que dans 0,5% des cas. C’est peu et le bio reste une alternative sûre face au conventionnel. Mais c’est sans compter sur la nouvelle réglementation européenne qui va être mise en place en 2021 dans toute l’U.E.

Moins de contrôles

Pour répondre à l’exponentielle demande de produits bios, ce nouveau projet de règlement prévoit que les productions contaminées par des pesticides ne soient plus forcément déclassées du label bio. Désormais, chaque pays membre pourra décider de ce seuil. Ainsi, certains produits contenant des pesticides pourront être vendus avec le label bio, en vertu du principe de la libre circulation des marchandises en Europe. Les deux contrôles réalisés par an aujourd'hui seront également espacés, pour n’avoir lieu qu’une fois tous les 24 mois. Des mesures qui font frémir les professionnels du bio.
Là où le bat blesse, c'est que 31% des produits biologiques vendus en France sont importés (chiffres 2017), dont une moitié des pays tiers de l’UE et une autre du reste du monde qui adhère à une réglementation encore différente de la nôtre. C’est ainsi que l’on retrouve dans notre panier bio des tomates bios par exemple, dont 40% sont importées d’Italie ou d’Espagne. Elles parcourent donc 1500 km en moyenne avant d’atterrir dans nos assiettes : pas très local. Selon une synthèse de Réseau Action Climat réalisée avec l'Ademe, un fruit ou un légume importé «consomme 10 à 20 fois plus de pétrole que le même fruit ou légume produit localement en saison. 1 kg de fraise d’hiver peut nécessiter l’équivalent de 5 litres de gasoil pour arriver dans notre assiette. » De quoi réfléchir.  

Géants compétitifs

Puisque la rémunération de la main d’œuvre est moins élevée à l'étranger, les agriculteurs français ne peuvent pas être compétitifs. Car du côté des distributeurs (qui impose le prix d'achat), la politique sur les prix est tout aussi agressive sur l’achat de produits bios que conventionnels. Soit une agriculture bio à deux vitesses : d’un côté des géants du bio qui peuvent s’aligner sur les volumes et coûts réclamés en grande distribution, et les autres. « Pour nous ce n’était pas possible », explique Maylanne de Fromentel, productrice de lait et yaourts bios désormais vendus en circuit court. « On produit moins de lait mais il est de meilleure qualité. Tout nous coûte plus cher : l’alimentation des vaches produite sur place, les charges sociales. Avec le prix de notre lait qui était valorisé en conventionnel on ne couvrait pas nos frais ».
Le bio en supermarché, nouvel écran de fumée pour permettre à la grande distribution de survivre ? Peu importe le mode de production soutenu, l’objectif reste inchangé : rester l’acteur dominant de notre chaîne alimentaire. Comme le constate Tancrède dans le Guépard, « il faut que tout change, pour que rien ne change ».

*chiffres sur le bio : L'année 2017 du bio en 10 chiffres clés, LSA, Juin 2018

 

Camille Cazanave
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