La lutte contre les violences faites aux femmes sera longue
La lutte contre les violences conjugales et sexuelles serait-elle la nouvelle priorité pour les Français ? Plus d’un sur deux l’affirme, selon une étude Kantar réalisée pour la Fondation des Femmes. « La médiatisation de scandales comme l’affaire Harvey Weinstein et le procès de Jacqueline Sauvage a favorisé une prise de conscience de la gravité du problème et de la nécessité d’agir », explique Camille Morisson, cheffe de groupe chez Kantar.
« En France, 1 femme se fait violer toutes les 5 minutes, et on compte 1 décès tous les 2 à 3 jours sous les coups d’un conjoint ou d’un ex. »
En France, une femme se fait violer toutes les cinq minutes, et on compte un décès tous les deux à trois jours sous les coups d’un conjoint ou d’un ex. Si 95 % des Français estiment qu’il faudrait punir plus sévèrement les auteurs de violences physiques et sexuelles et mieux accompagner les victimes, la confiance dans la justice reste modérée : seuls 53 % des Français déclarent avoir confiance en la justice pour bien prendre en compte les victimes. Et 63 % des femmes estiment qu’il est difficile de porter plainte pour viol, 68 % pour violences. « La reconstruction passe pourtant par une reconnaissance du statut de victime », explique l’avocate Nathalie Tomasini. Psychologiquement, la procédure est difficile : il faut se souvenir de manière précise d’événements traumatisants,qui vont être questionnés et remis en question
par la défense.
Une violence multiple et systémique
« La violence est un fléau qui n’est pas traité comme il se doit ! », s’indigne l’avocate, entrée en politique lors des élections européennes. « Mes clientes sont considérées comme suspectes lorsqu’elles se rendent au commissariat. Dans la mesure où violences conjugales les plus intenses ont lieu au moment des séparations, les officiers de police judiciaire considèrent qu’elles mentent pour garder les enfants, la maison et l’argent. »
Si 90 % des Français pensent que la formation des personnes en contact avec les femmes victimes de violence (policiers, gendarmes) serait utile, Nathalie Tomasini n’y voit qu’une goutte d’eau. « Les violences sont un symptôme de notre société patriarcale et du rapport de domination entre hommes et femmes. Elles ne reculeront pas sans une égalité parfaite de droits, de salaires, d’accès aux postes à responsabilités, et sans un véritable congé parental.»
L’éducation et la lutte contre les clichés ont aussi leur place. « On imagine que les viols se passent la nuit, dans un parking. Or, ce n’est qu’une petite minorité de cas ! », rappelle Alice Debauche, auteur du livre Violences contre les femmes. « La majorité des abus sexuels se passent dans un cercle proche, voire familial. Les violences conjugales ont aussi de multiples visages, du mari qui frappe sa femme, au chantage sexuel, en passant par la manipulation… Il faut rappeler que les situations sont diverses pour que les victimes puissent se reconnaître et se faire aider. »
On remet en cause les clichés
- On surveille son vocabulaire : non, non et non ! Un féminicide n’est pas un « crime passionnel ».
- On écoute le podcast Les couilles sur la table, de Victoire Tuaillon et les épisodes Les vrais hommes ne violent pas, Qui sont les violeurs ?, Qui sont les conjoints violents ?...
- On éduque les enfants au consentement et à l’égalité, avec le livre Tu seras un homme féministe, mon fils, d’Aurélia Blanc.
On connaît les recours
- On suit la campagne Arrêtons-les sur Twitter pour se tenir informé.
- On se rend sur le site du gouvernement Stop violences femmes pour réviser ses droits et les peines encourues.
- Si on est témoin ou victime de violences conjugales, on appelle vite vite le 3919 et on consulte la liste des associations d’aide locales. Pour les violences sexuelles, le Comité féministe contre le viol propose une ligne d’écoute gratuite à destination des victimes et de leurs proches au 0 800 05 95 95.
On se forme à aider et à se protéger
- L’association belge Garance propose des cours d’autodéfense et de défense verbale adaptés à tous les profils et groupes d’âge et aux professionnels. On consulte les témoignages sur leur site, et on se rend aux cours dispensés par les associations affiliées en France.
- On apprend à accueillir la parole de femmes victimes de violences sexuelles : dire « Je te crois » au lieu de « Tu es sûre ? », « Ce n’est pas de ta faute » au lieu de « A ta place, moi je… » ; on affirme son soutien et on propose son aide.
- Un doute sur son couple ? On consulte le Violentomètre du centre Hubertine Auclert.
Cet article a été publié dans le cadre d’une conférence Kantar Vision : Femme.s : Soutenez leurs regards sur le monde