Objets connectés : une pollution qu’on laisse rentrer à la maison ?
« Alexa, lance Spotify ». Ce réflexe est moins anodin qu’il n’y paraît quand on sait qu’une donnée numérique parcourt environ 15 000 kilomètres lors de sa consultation. Aller et retour ! Notre demande passe par des câbles et antennes, pour remonter jusqu’au data center où est stockée notre musique préférée, avant de refaire le chemin inverse. Or, selon l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie), 28 % des émissions de CO2 liées au numérique viendraient des réseaux, et 25 % des centres de stockage des données. Merci, Alexa !
En 2018, sept milliards d’objets connectés étaient en circulation. D’ici à 2025, ce chiffre aura presque triplé. Domotique, enceintes sans-fil, bracelets de fitness : le marché se développe à grande vitesse avec la généralisation de la 5G et les perspectives ouvertes par l’intelligence artificielle. « La domotique émerge à peine en France, mais les objets connectés liés au bien-être et à la santé sont populaires, tout comme ceux de la smart city : la trottinette que je déverrouille avec mon smartphone fait partie du même marché », observe Laurence Allard, maître de conférences à l’université Lille 3. « Tous ces objets correspondent à une extension de nos smartphones ! »
Qui dit extension des usages, dit augmentation de la pollution : « Avant, seuls les humains communiquaient à travers des terminaux ; désormais, les terminaux communiquent entre eux. » La croissance du nombre d’utilisateurs et l’explosion du trafic de données sont impressionnantes : en moyenne en 2018, un Américain possède près de 10 périphériques numériques connectés, et consomme 140 Giga-octets de données par mois.
« Avant, seuls les humains communiquaient à travers des terminaux ; désormais, les terminaux communiquent entre eux. »
Small data
Le problème, selon l’ingénieur Luc Julia, vice-président de l’innovation chez Samsung, réside dans la centralisation des données. « À chacun de nos usages, les données sont récupérées sur des serveurs, et centralisées pour créer des modèles d’utilisation pour que la machine apprenne nos habitudes. Cela consomme énormément ! Il faut tout collecter et traiter avec des algorithmes compliqués et des serveurs très lourds. Le tout en double ou triple en cas de panne ! » Pour lui, il est temps de passer du « big data » au « small data » : proposer des modèles moins voraces en données, permettre leur traitement en local…
Les objets de domotique qui nous proposent de reprendre la main sur notre consommation sont-ils épargnés par les critiques ? Pas sûr que les chauffe-eaux, thermostats et autres pommeaux de douche intelligents soient vraiment utiles pour moins polluer. « Leur impact reste anecdotique. Même s’ils peuvent faire une différence à l’échelle d’un pays, notre consommation principale est liée à l’utilisation du frigo, de la télévision ou de la voiture. Et ces usages-là, personne ne nous propose de les réguler ! »
- On lutte contre l’obsolescence programmée et… psychologique ! As-tu vraiment besoin de changer de téléphone tous les ans ? Si ton appareil commence à dysfonctionner, tu peux le faire réparer gratuitement par des bricoleurs (et apprendre à les réparer toi-même) dans les FabLab et repair cafés. Ils sont tous listés ici.
- On lit le rapport « Pour une sobriété numérique » du Shift Project, et on suit leurs recommandations : choisir à l’achat les équipements les moins énergivores possible, en faire un usage raisonné…
- On éteint, on débranche ! Le mode veille consomme autant qu’un appareil allumé, car le terminal tente de se connecter à internet. On se passe de sa prise connectée si elle ne sert pas plus qu’une prise standard, on éteint son enceinte Echo si elle ne sert que lors des soirées, on allume soi-même la lumière, on remet au goût du jour les CD…
- On apprend à résister à la pub, en visitant le site du réseau belge Eco-Consommation. As-tu vraiment besoin de cette montre connectée pour lire tes mails à tout moment ?
- On peut s’engager contre le déploiement de la 5G en signant la pétition du collectif Stop Linky-5G Montpellier ; contre la mise en place de panneaux publicitaires numériques à Tours ; contre le passage au tout numérique dans les lycées…