Si on rémunérait le "digital labor" ?
« C'est gratuit (et ça le restera toujours) ». À la Silicon Valley, les termes de l’accord sont clairs : l’utilisateur créé du contenu et génère des données en contrepartie d’un service gratuit. Il ne travaille pas gratuitement, il produit en échange d’un service rendu. C'est le digital labor. Une économie dématérialisée qui faisait jusqu’ici son beurre dans la monétisation non contrôlée de données personnelles.
Mais ça, c’était avant l'affaire Cambridge Analytica. Une formule avec abonnement payant garantirait-elle la protection de nos données ? Pour le Think tank GénérationLibre, qui milite pour une propriété de soi sur soi, la problématique est ailleurs.
« Est-ce que ce que l’utilisateur bénéfice de cette « collaboration » est suffisant par rapport à ce qu’il investit dans l’échange ? » interroge Virginie Pez-Pérard, experte pour GenerationLibre et enseignante chercheuse spécialisée dans les questions de « privacy » et marketing.
« Aujourd’hui, pour les millions d’utilisateurs de réseaux sociaux, il n’y a pas réellement d’alternatives. Un refus des conditions générales d’utilisation implique l’exclusion du service. » La subordination des utilisateurs est bien souvent totale et aucune négociation n’est possible avec les plateformes.
"Une propriété de soi sur soi"
Alors que la nouvelle réglementation est entrée en vigueur en mai 2018, les experts de GénérationLibre proposent d’instaurer une patrimonialité des données personnelles, qui fonctionnerait comme le droit de propriété intellectuelle. Plutôt que de payer pour que nos données restent privées, l’utilisateur - devenu producteur - pourrait contractualiser l’usage de ses data et décider de leur circulation et de leur monétisation.
« La rémunération n’est pour l’instant pas possible car il n’y a pas de droit de propriété intellectuelle sur les données personnelles. Mais le débat est posé et c’est le travail notamment de Génération Libre. Il faudra à terme trouver des solutions pour un partage des richesses plus équitable. La rémunération des données en fait partie, parmi d’autres. » Pour Virginie Pez-Pérard, il faut cependant distinguer ce qui est de l’ordre des données personnelles, comme les données de géolocalisation, et ce qui est de l’ordre de la production de contenu, telle une photographie sur Instagram. « Pour l’instant les réseaux sociaux n’ont aucun intérêt à rémunérer ses utilisateurs : la plupart des consommateurs n’ont pas conscience d’être des producteurs de contenu et de données, alors qu'il y a là l’essence même des réseaux sociaux. Mais on y viendra peut-être ! Cela passe ici encore par une meilleure éducation des citoyens au monde numérique. » Aux armes, internautes !
- On se penche sur lit le rapport « Mes data et moi » de Génération Libre
- On lit l’article « Should We Treat Data as Labor? Moving Beyond ‘Free’ Future ? » de Jaron Lanier