Dans les rayons, les femmes font genre à part
L’égalité des sexes, même devant la publicité ! Voilà en somme ce que les femmes réclament aujourd’hui. Un ras-le-bol généralisé qui fait fréquemment le « buzz » sur les réseaux sociaux. Sur la page Facebook de Pépite sexiste, un réseau social qui dénonce les publicités sexistes dans l’espace public, les preuves sont d’ailleurs accablantes : des piles de voitures bleues pour garçons se succèdent à des rayons de poupées enrubannées de rose pour les filles. « Une chose est sûre, dans les magasins de jouets, la dialectique du rose et bleu a encore de beaux jours devant elle ! s’exclame Marion Vaquero à l’origine de Pépite sexiste. Les fabricants ont tendance non pas à se baser sur des études sociologiques mais à se concentrer sur des études clients qui vont conforter les stéréotypes. Or tant que les résultats ne montreront pas que les petits garçons veulent du rose et les filles du bleu, ils considéreront que c’est comme cela que les choses fonctionnent. »
Une segmentation du marché qui pose des problèmes sociétaux, idéologiques et environnementaux. Pour Isabelle Collet, chercheuse en sciences de l'éducation à l'université de Genève, le marketing rose, donne le sentiment qu’il faut absolument quelque chose de différent pour un garçon et pour une fille. « On incite ainsi les parents à tout acheter d’une couleur ou d’une autre, si à la naissance par hasard ce n’est pas le même sexe. » Outre le gaspillage absurde qu’il engendre, le marketing genré contribue également à alimenter un discours sexiste. « Un fabricant a réalisé, il y a quelque temps, des planisphères avec des continents et des océans de couleur rose. Ils étaient conçus pour, soi-disant, inciter les filles à aimer la science. Naturellement, les garçons ont hérité du planisphère original, avec les mers de la bonne couleur. L’idée sous-jacente, c’est qu’il y aurait une version féminine de tout, plus douce, plus mignonne, marginale et que la version universelle, serait quant à elle, masculine. »
Changer les règles du jeu
À l’heure des réseaux sociaux, les publicités sexistes ne restent pas sans contradiction. L’étude de Kantar « What women want » à traduire en français par « ce que veulent les femmes » dessine ainsi les contours d’un épuisement généralisé face au marketing genré. « Nous voir représentées comme un éventail de points de vue et de personnalités… C'est trop demander ? » proteste une personne interrogée par l’étude. Les marques sont directement tenues responsables du rôle qu'elles jouent et du discours qu’elles tiennent, pourtant, selon l’étude, elles ne parviennent pas encore à se calquer aux attentes des femmes.
« Il y aurait une version féminine de tout, plus douce, plus mignonne, marginale. La version universelle serait, quant à elle, masculine. »
Selon une recherche réalisée par J Walter Thompson et citée par Kantar : 85 % des femmes affirment que les films et la publicité sont loin de la réalité lorsqu’ils décrivent les femmes. « Le marketing genré, pose un postulat binaire sur un monde qui ne doit plus l’être » analyse Sandrine McClure, directrice générale chez Kantar. Comment parle-t-on aux femmes et quelles sont les évolutions sociétales que les marques doivent prendre en compte pour pouvoir parler aux femmes ? Notre conclusion, c’est qu’il faut prendre en compte l’intersectionnalité. Chaque personne est unique et on ne peut plus être sur une réflexion binaire homme/femme. Il faut considérer toutes les configurations possibles du Rubik’s cube ! Avant, pour attirer une audience féminine, on utilisait des images de femmes parfaites, on présentait un modèle idéal au féminin à atteindre. Maintenant ce qui attire, c’est ce à quoi on peut s’identifier. »
Quid du Gender washing ?
Bonne nouvelle tout de même du côté des panneaux publicitaires, de nombreuses marques ont aujourd’hui vu les appels de phare lancés par les différentes associations et études de marché. Après la campagne body positive de Dove « Dove real beauty », d’autres ont vite emboîté le pas imaginant des campagnes de pub avec, par exemple, des mannequins non retouchés. De son côté Always, la marque de protections hygiéniques, a renoncé à l’absurde liquide bleu pour symboliser le sang des règles. L’authenticité est à la mode, le réel est tendance. « Pour bien répondre à ces évolutions, les marques ne doivent pas être uniquement dans le déclaratif, elles doivent changer en profondeur, faire évoluer leurs produits » prévient Sandrine McClure. Autrement dit, les mannequins plus-size des vitrines des magasins Nike n’ont de sens que si, en rayon, on retrouve ces dites tailles. Ce qui malheureusement est loin d’être encore le cas… « L’urgence, c’est de créer une norme de l’anti norme. » Sans tomber dans le cliché inverse, évidemment.
- On aide ses enfants à déconstruire les clichés du genre, en leur collant sous le nez le livre jeunesse « Tu peux » d’Élise Gravel aux éditions Courte échelle.
- On encourage les jouets non genrés en soutenant l’initiative de Topla.
- On adhère et on soutient l'association Les Lionnes qui lutte contre le sexisme dans la publicité.
- On (re)lit la grande théoricienne du genre : Judith Butler et son chef-d’œuvre Trouble dans le genre aux éditions Routledge.
Cet article a été publié dans le cadre d’une conférence Kantar Vision : Femme.s : Soutenez leurs regards sur le monde