Comment le genre amène à faire de mauvais diagnostics ?

SANTÉ
Comment le genre amène à faire de mauvais diagnostics ? sur Qu'est-ce qu'on fait
Alors que l’hôpital public connaît une grève des urgences sans précédent, une étude de Kantar révèle les inégalités hommes-femmes en matière de santé. Et si une meilleure prise en charge passait par une fin des discriminations ?

Que vous soyez une femme ou un homme, présentant des symptômes identiques, vous n’aurez sans doute pas le même diagnostic. Et pour cause. Le genre influe souvent sur l’évaluation médicale, comme le révèle une étude du groupe Kantar. « Dans le domaine cardiovasculaire, ces inégalités favorisent les hommes. Quand les hommes vont voir leur généraliste pour des douleurs dans la poitrine, ils sont 2,5 fois plus envoyés chez un cardiologue que les femmes », relate Patricia Medina, Medical Intelligence Director chez Kantar qui a réalisé l’étude. À l’inverse, d’autres maladies, comme l’ostéoporose, sont sous-diagnostiquées chez les hommes. Le cancer du sein, qui touche aussi la gent masculine, est concerné. Patricia Medina explique qu’il y a une quasi-absence d’essais cliniques d’hommes ayant été touchés par cette maladie. « Le traitement se fait avec des médicaments testés uniquement chez des femmes », regrette-t-elle. Neurobiologiste et membre du comité d’éthique de l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (INSERM), Catherine Vidal, va même plus loin. « C’est un sujet de santé publique majeur. Il y a des raisons biologiques aux inégalités de santé mais pas seulement. Il faut aussi prendre en compte le rôle des représentations sociales liées au genre féminin et masculin. Cela joue sur les attitudes des patients dans l’expression des symptômes et du corps médical dans la manière de les percevoir et de poser les diagnostics. »

Pour une prise de conscience du milieu médical

Face à un tel constat, Catherine Vidal et ses collègues chercheurs du comité d’éthique de l’INSERM ont décidé de publier des vidéos en 2017 pour dénoncer les clichés. « Il faut sensibiliser les gens. J’ai écrit un livre aussi (Femmes et santé, encore une affaire d’hommes ? - N.D.L.R.) Il faut inciter les femmes à surveiller leur cœur et les hommes à faire vérifier leur squelette. Nos vidéos sont de plus en plus utilisées pour les formations des étudiants et la formation continue des soignants. Les mutuelles sont aussi très intéressées par ces questions-là. »

« Il faut inciter les femmes à surveiller leur cœur et les hommes à faire vérifier leur squelette. »

Mais cela ne suffit pas selon elle. Il faut également agir dès le début des études de médecine. « L’organisation de ces études est en train de changer, on peut espérer que cette refonte prenne en considération les inégalités de genre dans la santé. » La prise de conscience du monde médical pourrait être la clef de ce futur changement. « C’est comme ça qu’on peut combattre les inégalités d’une façon plus efficace. En reconnaissant ces différences, on peut améliorer les diagnostics », espère Patricia Medina. « Ce n’est pas qu’une question de santé, il faut une volonté de politique sociale. L’objectif est de contribuer à construire une médecine plus égalitaire au service de la santé des femmes et des hommes », ajoute Catherine Vidal. Aux instances en charge de santé publique de se saisir du problème désormais.

  • On se plonge dans le livre de Catherine Vidal, Femmes et santé, encore une affaire d’hommes ? - Édition Belin. Cette neurobiologiste, spécialiste des questions du genre, permet de tout comprendre sur l’inégalité entre les sexes en matière de santé
  • On file sur le site d’Ameli pour prendre rendez-vous pour un check-up complet. Chaque année, l’assurance maladie offre un examen de prévention santé. Il est adapté à l'âge, au sexe, aux risques ainsi qu'au suivi médical habituel des assurés
  • On jette un œil aux vidéos de l’Inserm sur le genre et la santé pour en finir avec les clichés
  • On lit l’étude du sociologue Mathieu Arbogast, chargé de projet à la mission pour la place des femmes au CNRS. On y apprend notamment qu’ « en raison de la préférence familiale souvent constatée pour les enfants de sexe masculin, ceux-ci bénéficient de plus de soins que les filles dans de nombreux pays »
  • On écoute le podcast de La tête au carré sur France Inter qui rappelle que les représentations sociales liées au genre féminin ou masculin influent sur les comportements des patients et du corps médical
  • On découvre les travaux de Muriel Salle. Cette historienne, maîtresse de conférences à l’Université Lyon 1 a publié de nombreux ouvrages sur les discriminations faites aux femmes. Elle a par ailleurs organisé en avril dernier un colloque sur la santé et le genre

 

Cet article a été publié dans le cadre d’une conférence Kantar Vision : Femme.s : Soutenez leurs regards sur le monde

Émilie Lopes
Illustrations : Natalia Gonzalez
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